Le petit Luke Terrio avait environ sept mois lorsque sa mère a commencé à se rendre compte que quelque chose n'allait pas. Il souffrait constamment d'otites, avait des taches rouges sur le visage et était tout le temps fatigué. Son développement stagnait et les antibiotiques administrés pour traiter ses infections fréquentes ne fonctionnaient plus.
Suivi par un médecin au Children’s Hospital of Philadelphia (CHOP), il a alors passé une série de tests sanguins qui ont révélé que Luke n’avait pas d’anticorps. Au début, les spécialistes ont pensé que le petit garçon était peut-être atteint d'agammaglobulinémie liée au chromosome X, un syndrome d'immunodéficience rare chez les enfants. Cependant, en continuant à étudier le cas de Luke, l'équipe de recherche du CHOP a réalisé que la maladie de Luke ne ressemblait à aucune autre maladie décrite auparavant.
Une mutation très rare du gène SPI1
Les médecins ont utilisé le séquençage de l'exome entier pour analyser l'ADN de Luke. Ils ont alors découvert la mutation génétique responsable de son état, qui empêche Luke et les patients comme lui de fabriquer des lymphocytes B, et donc des anticorps pour combattre les infections. Dans une étude publiée dans le Journal of Experimental Medicine, ils expliquent avoir nommé cette maladie agammaglobulinémie mutée PU.1 (PU.MA).
"Cela peut être assez effrayant pour une famille dont l'enfant est atteint d'une maladie mystérieuse, explique Neil D. Romberg, médecin traitant à la division des allergies et de l'immunologie du CHOP, auteur principal de l'article. Dans ce cas, la science a fourni une explication, grâce à de nombreux services du CHOP. Comprendre la cause de l'état de Luke nous a absolument aidé à savoir quelle direction donner à sa thérapie."
Pour identifier le gène en cause, les chercheurs du CHOP ont comparé les séquences d'exome entier de 30 patients du monde entier nés sans lymphocytes B, les cellules qui produisent les anticorps. Dans ce groupe, ils ont identifié six patients, dont Luke, qui présentaient une mutation dans un gène appelé SPI1, qui code pour la protéine PU.1. PU.1 aide les lymphocytes B qui se développent dans la moelle osseuse à ouvrir des "portes" dans leur chromatine, un type d'ADN très compact. Sans PU.1, ces portes restent fermées, et les lymphocytes B ne se forment jamais. Les six patients atteints de PU.MA, dont l'âge variait de 15 mois à 37 ans, présentaient chacun des mutations SPI1 différentes mais avaient en commun des niveaux insuffisants de PU.1, des lymphocytes B absents et, par conséquent, aucun anticorps.
Une greffe de moelle osseuse bénéfique
Comme l'état de Luke était entièrement nouveau, il n'y avait aucun guide à suivre pour sa famille ou son équipe médicale. Après avoir consulté l'équipe de recherche, la famille a décidé de procéder à une greffe de moelle osseuse dans l'espoir que la procédure l'aiderait à fabriquer ses propres lymphocytes B et anticorps. Ils ont rapidement découvert qu'ils avaient un donneur parfait vivant sous leur propre toit : le frère aîné de Luke, Jack, âgé de trois ans et demi.
La greffe a réussi à faire produire à Luke ses propres lymphocytes B jusqu'à ce que ces derniers soient capables de créer eux-mêmes suffisamment d'anticorps protecteurs. Luke continue pour le moment de bénéficier d'une protection contre les infections grâce aux perfusions d'anticorps qu'il reçoit toutes les deux semaines. "Nous les appelons ses ninjas, explique Michelle, la maman de Luke, en décrivant les anticorps. Nous lui disons qu'il ne fabrique pas ses propres ninjas et qu'il a donc besoin de ces perfusions de ninjas pour combattre les microbes et le garder en sécurité." Grâce à ces "ninjas" et au don de moelle osseuse de son frère, Luke est aujourd'hui un garçon énergique de 4 ans qui aime les Transformers, les camions de pompiers et faire de la draisienne.