Le paracétamol est l’un des médicaments les plus prescrits au monde, le plus souvent sans ordonnance. Bien que cet antalgique soit présent dans de nombreuses trousses à pharmacie, sa consommation n’est pas sans risque. Il est notamment très facile de faire une overdose en cas de carence de sélénium. Avec des doses supérieures à 3g par jour, voire en cas d’utilisation prolongée, il peut entraîner de graves complications hépatiques. Des implications qui ont conduit à interdire la vente en libre accès en France depuis janvier 2020. Il doit désormais être remis par le pharmacien, qui doit veiller à rappeler la posologie appropriée.
Les garçons et les filles affectés de la même manière
Une nouvelle étude, parue le 28 mai dans le European Journal of Epidemiology, affirme que le paracétamol pris pendant la grossesse engendre un risque important pour l’enfant de développer des symptômes caractéristiques du trouble du spectre autistique ou du trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité. Les chercheurs espagnols de l’institut de Barcelone pour la santé mondiale (ISGlobal) suggèrent que ce risque est en moyenne 20% plus élevé. Cela confirme notamment des recherches précédentes qui sont parvenues à des conclusions similaires, notamment en 2016 et en 2018.
En tout, 73 000 duos mère-enfant, issus de six cohortes européennes, ont été recrutés. Entre 14% et 56% des mères, en fonction des cohortes, ont déclaré avoir pris du paracétamol pendant leur grossesse. Parmi les enfants exposés au paracétamol avant leur naissance, 19% étaient plus susceptibles de développer des symptômes typiques du trouble du spectre autistique (TSA) que les autres. Ils étaient également 21% plus susceptibles de développer des symptômes de trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).
Les symptômes du TSA et du TDAH ont été évalués entre 4 et 12 ans, à l’aide d’instruments validés. Par ailleurs, plusieurs co-variables directement liées à la mère ont été prises en compte : âge à l’accouchement, niveau de scolarité, indice de masse corporelle avant la grossesse, alcool, tabagisme, problèmes de santé mentale pendant la grossesse, fièvre et infections pendant la grossesse, etc.
Pour les femmes enceintes, le paracétamol doit être une exception
“Nos résultats sont cohérents avec les recherches précédentes. Nous avons également constaté que l'exposition prénatale au paracétamol affecte les garçons et les filles de la même manière, car nous n'avons observé pratiquement aucune différence”, a déclaré Sílvia Alemany, chercheuse à ISGlobal, autrice principale de l'étude.
Les chercheurs concluent en affirmant que l’utilisation du paracétamol chez les femmes enceintes doit être réservée pour les cas de nécessité. “Compte tenu de toutes les preuves sur l'utilisation du paracétamol et le développement neurologique, nous sommes d'accord avec les recommandations précédentes indiquant que si le paracétamol ne doit pas être supprimé chez les femmes enceintes ou les enfants, il ne doit être utilisé que lorsque cela est nécessaire”, a ainsi affirmé Jordi Sunyer, chercheur à ISGlobal.
Plusieurs mécanismes en cause
Selon les chercheurs, l’association entre le paracétamol et les risques pour le développement neurologique des enfants est le résultat de plusieurs mécanismes. Ils avancent que cela induit une stimulation du système endocannabinoïde (chargé de maintenir l’homéostasie cellulaire), une modification du taux du facteur neurotrophique issu du cerveau (une protéine essentielle pour le développement du système nerveux), un stress oxydatif dû à l’activité immunitaire induite par l’inflammation, des modifications au niveau de la neurotransmission, ou encore la perturbation du système endocrinien.