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Santé mentale

Naomi Osaka : "les sportifs de haut niveau sont plus vulnérables psychologiquement que la population générale"

Par Jean-Guillaume Bayard

Ce lundi, la Japonaise, numéro 2 mondial, Naomi Osaka a choisi de se retirer brutalement du tournoi de Roland Garros arguant vouloir préserver sa santé mentale. La psychologue du sport Delphine Herblin, qui travaille avec de nombreux sportifs professionnels, nous décrypte les motivations de ce choix et évoque plus globalement la psychologie des athlètes de haut niveau.

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Naomi Osaka espère provoquer un changement par sa décision de quitter le tournoi de Roland Garros.
“Les sportifs de haut niveau sont plus vulnérables que la population générale”, estime Delphine Herblin.
Le mieux est de faire de la prévention et que les athlètes effectuent en amont une préparation mentale comme ils font une préparation physique.

C’est une décision qui fait du bruit. Ce lundi, la Japonaise Naomi Osaka a annoncé son retrait du tournoi de Roland Garros au lendemain de sa qualification pour le deuxième tour. La jeune joueuse de 23 ans, classée deuxième mondiale, a claqué la porte après avoir refusé de participer aux conférences de presse. “La meilleure chose pour le tournoi, les autres joueuses et mon bien-être est que je me retire pour que chacun puisse se reconcentrer sur le tennis”, a-t-elle tweeté lundi soir au moment d’annoncer son départ.

“Provoquer un changement”

Naomi Osaka a justifié sa décision par la nécessité de préserver sa santé mentale, un jour après avoir écopé d’une amende de 15 000 dollars pour avoir refusé de répondre à la presse. Dans un long message, elle a avoué souffrir d’épisodes dépressifs depuis 2018 et sa victoire en Grand Chelem à l’US Open. “Tous ceux qui me connaissent savent que je suis introvertie, et tous ceux qui m’ont vue lors de tournois auront remarqué que je porte souvent des écouteurs car cela aide à atténuer mon anxiété sociale”, a-t-elle annoncé. Son boycott des médias, explique-t-elle, n’est pas une attaque personnelle contre les journalistes mais un moyen de “provoquer un changement” a expliqué son entraîneur, le Belge Wim Fissette, au magazine allemand Der Spiegel. “Naomi a la possibilité d’utiliser son statut pour aborder les problèmes et initier des choses”, ajoute-t-il. 

Pour Delphine Herblin, psychologue spécialisée dans le sport, la détresse psychologique vécue par Naomi Osaka n’est pas une surprise. “Les sportifs de haut niveau sont plus vulnérables que la population générale, affirme la psychologue qui travaille avec de nombreux athlètes professionnels, notamment des joueurs de tennis. Les symptômes dépressifs sont plus importants chez eux. Chez les footballeurs professionnels, un métier de rêve pour beaucoup, le taux de dépression est le double par rapport à la population générale.”

Gagner, pas forcément un cadeau

Premièrement, les sportifs rencontrent les mêmes problèmes que la population générale et restent des humains, au-delà de leur métier, rappelle Delphine Herblin. “Ensuite, ils sont soumis en permanence à des obligations de performance en termes de résultats, vis-à-vis d’eux-mêmes mais également du public et de la presse, souligne-t-elle. Cette pression a été majorée cette dernière décennie avec les réseaux sociaux.” Plus l’athlète pratique un sport médiatisé, plus il se trouve exposé au jugement des autres et cela peut être compliqué à vivre.

L’un des autres problèmes psychologiques auxquels font face les sportifs professionnels, c'est la gestion émotionnelle d’une grosse victoire. “Lorsque l’on travaille beaucoup pour obtenir un résultat, une fois que cet objectif est atteint, il y a un contrecoup naturel, avance Delphine Herblin. Comment au lendemain d’un mariage ou après avoir eu un enfant, la période peut être déstabilisante. Cela peut se transformer en un cadeau empoisonné.” Une dynamique observée par Naomi Osaka puisque la championne a déclaré souffrir de symptômes dépressifs depuis sa victoire éclatante en 2018 dans l’un des plus grands tournois mondiaux. “Les victoires créent des attentes et l’écart ensuite entre les résultats et les attentes peut s’avérer difficile à vivre”, estime la psychologue.

Faire de la prévention

Pour diminuer au mieux la souffrance psychologique des athlètes, le plus efficace est de mener des actions de prévention. “De la même manière que les sportifs font du travail physique, ils doivent effectuer un travail mental, assure Delphine Herblin. Il faut leur expliquer que ce qui compte ce n’est pas le résultat mais la régularité sur le long terme afin de donner du sens tout au long de leur carrière. Pouvoir travailler avec eux quand ils sont jeunes permet de les préparer à tout cela.” Le contact avec les journalistes, qui peut s’avérer parfois être une épreuve difficile, se prépare également en amont. L’objectif, insiste la psychologique, est que “les athlètes se connaissent eux-mêmes, qu’ils aient déminé toutes les questions qui pourraient fâcher pour ne pas avoir à les affronter en direct devant la presse. Les sportifs aiment être en contrôle et ce travail préventif leur permet d’éviter de perdre ce contrôle qui peut être déclencheur de problèmes psychologiques.”