C'est une première. Plus de la moitié des Français se sont prononcés en faveur de la dépénalisation du cannabis dans une nouvelle enquête de l'Ifop, et 47% estiment que le contrôle par l’État de la production et de la consommation de cannabis serait plus efficace pour lutter contre les trafics que les politiques répressives à l'œuvre depuis 50 ans.
Un contexte marqué par les débats
Dans un contexte marqué par les débats autour de la mobilisation des forces de l’ordre contre le trafic de drogue, la mort tragique d’un policier sur un point de deal à Avignon et la publication le 5 mai dernier d’un rapport parlementaire défendant une position – la « légalisation régulée » du cannabis – allant à l'encontre de celle du gouvernement, une proposition de loi transpartisane est venue, mardi 25 mai, relancer le débat sur le sujet en prônant sa légalisation et sa commercialisation sous contrôle des pouvoirs publics.
Dans ce cadre, de quel côté penchent aujourd’hui les Français sur la question de la réglementation de l’usage du cannabis et l’efficacité des politiques répressives menée par les autorités depuis un demi-siècle ? Pour le savoir, le site CBD-Grams.com a commandé à l’Ifop une enquête afin de délivrer des données fiables et récentes sur ce sujet. Réalisée auprès d’un échantillon national représentatif de taille conséquente (2 025 personnes), cette étude d’envergure met en lumière une ouverture croissante de l’opinion publique à un assouplissement de la réglementation.
Une majorité de Français pour la dépénalisation
La part de Français favorables à la dépénalisation de la consommation de cannabis ne cesse de progresser année après année. Pour la première fois depuis le vote de la loi de 1970, la « dépénalisation » du cannabis est soutenue par une majorité de Français : 51% y sont favorables, soit un taux d’adhésion en hausse de 8 points par rapport à la dernière mesure de l’Ifop (43% en 2017). Un taux qui monte à 54% chez les électeurs d’Emmanuel Macron, qui a récemment réaffirmé son opposition à une mesure de ce type.
La volonté de dépénaliser est particulièrement forte chez ceux disant qu’ils voteront pour Jean-Luc Mélenchon en 2022 (75%), pour Yannick Jadot (77%) et pour Anne Hidalgo (61%). En revanche, les sympathisants de Xavier Bertrand et de Marine Le Pen s’y opposent majoritairement avec respectivement 33% et 40% d’adhésion à la dépénalisation.
47% des Français pour une consommation encadrée par la loi
Dépénalisation n’est pas synonyme de légalisation (autorisation légale). Dépénaliser la consommation de stupéfiants ne reviendrait pas nécessairement à supprimer l'interdiction mais à supprimer la procédure pénale. Or, lorsqu’on interroge plus précisément les Français sur leurs attentes en matière d’encadrement de la consommation et de production, on observe que derrière l’assouplissement de la réglementation défendu par une majorité de Français, ceux-ci aspirent plus (à 47%) à une légalisation du cannabis – c'est-à-dire à une autorisation à la fois de sa consommation et de sa production – qu’à une dépénalisation (à 9%) qui se limiterait à une levée des poursuites pénales attachées à son usage.
"A noter que ces résultats viennent relativiser ceux de la consultation citoyenne du 6 mai 2021 sur le cannabis récréatif, qui constatait un plébiscite en faveur de la législation du cannabis (80,8%)", notent les sondeurs.
78% des Français favorables à la légalisation du cannabis thérapeutique
Près de 8 Français sur 10 (78%) sont favorables à la légalisation du cannabis à des fins thérapeutiques et dans une proportion quasi identique (74%) pour que l’État finance la recherche dans ce domaine.
62% des Français favorables au contrôle de l’État sur le cannabis
Allant dans le même sens que le projet de loi défendu par le député Éric Coquerel (LFI), l’opinion publique se montre plus que jamais acquise à l’idée d’une commercialisation du cannabis sous contrôle des pouvoirs publics : près des deux tiers des Français (62%, +10 points par rapport à 2016) pensent que cette mesure serait plus efficace pour lutter contre le trafic que les politiques répressives qu’ils jugent inefficaces et coûteuses. Autres vertus attribuées à cette légalisation régulée : faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat (81%) et moins exposer les forces de l’ordre à la violence des trafiquants (67%).
"S’il est peu probable – et ceci malgré des dissonances au sein de la majorité – que la dépénalisation du cannabis soit votée d’ici la fin du quinquennat, force est de constater que l’opinion publique est aujourd'hui « mûre » aussi bien pour une légalisation de son usage que pour sa commercialisation sous le contrôle des pouvoirs publics", analyse Gautier Jardon, de l'Ifop.