- Depuis 2013, des essais cliniques sur un vaccin universel contre le cancer montrent des résultats prometteurs.
- Appelé MUC1, il cible la protéine du même nom, qui est surexprimée de manière mutée dans les tumeurs malignes.
- Mais le chemin est encore long avant la mise au point d'un tel vaccin et selon certains scientifiques, faire de MUC1 un antigène tumoral cible pour un vaccin montre d'ailleurs une efficacité limitée.
Selon les chiffres de Santé publique France et l’Institut national du Cancer (INCa), on estimait en 2018 en France 382 000 nouveaux cas de cancer (respectivement 54 % chez l’homme, 46 % chez la femme) et 157 400 décès par cancer (57 % chez l’homme, 43 % chez la femme) cette même année. Ces chiffres, préoccupants, montrent une augmentation du risque global de cancer en France métropolitaine, tant chez les femmes que chez les hommes.
En France, les cancers de la prostate, du sein, du côlon-rectum et du poumon sont les plus fréquents. Dus à des facteurs génétiques, environnementaux (tabac, alcool, pollution…) ou héréditaires, ils restent actuellement impossibles à prédire.
Mais un essai clinique entamé en 2018 aux États-Unis pourrait permettre de diminuer leur nombre. Son objectif : la mise au point d’un vaccin préventif pour empêcher le développement des tumeurs. Toujours en cours sur 50 fumeurs ou ex-fumeurs à très haut risque de contracter un cancer du poumon, il est réalisé par des chercheurs de la Mayo Clinic et de l'Institut du cancer de l'université de Pittsburgh, aux États-Unis.
Un vaccin préventif testé depuis 2013
Ce vaccin est appelé MUC1, du nom de la protéine normalement exprimée par les cellules épithéliales. Dans le cas des cancers, la protéine est présente en version mutée et en abondance dans la majorité des tumeurs, ce qui confère à ces dernières une résistance à des médicaments anticancéreux traditionnels. "C'est un marqueur présent dans des nombreuses tumeurs (poumon, pancréas, prostate, côlon…) qui s'en servent à la fois de moteur de croissance et de défense contre les traitements", explique Olivera Finn, de l’université de Pittsburgh, et qui a dirigé les travaux.
Son équipe a travaillé pour faire de cette protéine MUC1 une nouvelle cible thérapeutique. En 2013, un premier vaccin a été testé lors d’un essai sur 39 patients âgées à risque de cancer du côlon. Chacun des sujets a reçu 3 doses du vaccin sur une période de 12 mois. 17 ont alors présenté une forte réponse protectrice. Pour les 22 autres, la faible production d’anticorps a été imputée à leur système immunitaire trop affaibli. Ce qui signifie qu’il "pourrait être préférable de vacciner les personnes contre le cancer du côlon à un stade encore plus précoce", explique le Dr Olivera Finn. "L'objectif de ces vaccins prophylactiques [préventifs] est de renforcer la surveillance immunitaire naturelle du patient. Si votre médecin découvre que vous avez un risque élevé de cancer, l'idée serait de vous vacciner pour améliorer la capacité du système immunitaire à contenir les cellules anormales et éliminer les lésions prémalignes au lieu d'attendre de voir si le cancer se développe", poursuit la chercheuse.
Des réserves sur l’efficacité du MUC1
Si la recherche américaine se poursuit, la route est encore longue avant de parvenir à un vaccin universel contre le cancer. "Ça fait déjà longtemps que MUC1 est étudiée en immunothérapie, et on n'a jamais vraiment observé de bénéfice spectaculaire sur la mortalité des patients, donc je ne pense pas qu'il soit un bon candidat", estime Fabrice André, directeur de la recherche au centre régional de lutte contre le cancer Gustave-Roussy, à Villejuif (Val-de-Marne). Interrogé par Sciences et Avenir, il souligne que pour qu’un vaccin de ce type fonctionne, "il faudrait savoir, face à une situation à risque, quels sont les mécanismes de cancérisation, identifier les mutations à l'œuvre et les antigènes communs aux cancers pour ensuite vacciner contre ceux-là, précisément…". Mais anticiper ces phénomènes chez des personnes n’ayant pas encore développé de cancer n’est pas aisé. Il faudrait selon lui "utiliser d'autres approches modernes de modélisation des antigènes associées à de grandes études épidémiologiques qui donneraient la probabilité qu'un patient présente tel ou tel antigène".