Après le projet d’Elon Musk d’envoyer les premiers astronautes sur Mars dès 2026, c’est un autre milliardaire qui projette cette fois d’aller dans l’espace. Le 20 juillet prochain, Jeff Bezos, patron d’Amazon, montera à bord d’une fusée pour le premier voyage de tourisme spatial. À ses côtés dans la capsule, son frère Mark, et un vainqueur d’une mise aux enchères pour le troisième ticket. Le décollage se fera à la verticale, et la capsule se séparera de la fusée à 75 km de hauteur, avant de poursuivre sa trajectoire jusqu’à 100 kilomètres d’altitude.
Un exploit rendu possible par la société spatiale Blue Origin, fondée par le PDG d’Amazon lui-même. Tout comme Elon Musk, Jeff Bezos souhaite prendre sa part dans le tourisme spatial. Mais si les deux milliardaires disposent des fonds et de la technologie nécessaires pour réaliser leur grand projet, se pose toutefois une question : quels effets ces voyages dans l’espace auront-t-ils sur les voyageurs ?
Un effet de la microgravité
Plusieurs études se sont déjà penchées sur la question, soulignant les modifications neuro-anatomiques lors des longs vols spatiaux. De retour de leur mission, de nombreux astronautes souffrent de troubles de l'oreille interne, d'arythmie cardiaque, d'hypotension, de déshydratation et de perte de calcium dans leurs os. Après les missions Apollo, plus de la moitié des astronautes ont aussi souffert de rhumes ou d’autres infections virales comme la varicelle dans les jours suivant leur retour sur Terre.
Jusqu’à présent, ces effets étaient restés mystérieux. Mais une nouvelle étude publiée dans Scientific Reports, explique enfin pourquoi la faible gravité, dite "microgravité", semble affecter le système immunitaire des voyageurs spatiaux. Menée par l'une des premières femmes astronautes, Millie Hughes-Fulford, elle montre que l'affaiblissement du système immunitaire des astronautes pendant les voyages spatiaux est probablement dû en partie à l'activation anormale de cellules immunitaires appelées cellules T régulatrices (Tregs).
Une suppression de la réponse immunitaire
Les Tregs sont normalement déclenchées pour réduire les réponses immunitaires lorsque l'infection ne menace plus et sont des régulateurs importants des réponses immunitaires dans des maladies. Dans des conditions de microgravité, cependant, les chercheurs ont constaté des changements chez les Tregs qui les préparaient à se mettre au travail avant même que le système immunitaire ne soit mis au défi. Lorsqu'ils ont stimulé une réponse immunitaire dans des cellules immunitaires humaines provenant d'échantillons de sang en microgravité, avec un produit chimique souvent utilisé dans la recherche pour imiter un agent pathogène, ils ont constaté que les Tregs contribuaient à supprimer la réponse immunitaire déclenchée.
Pour le Dr Jordan Spats, co-auteur principal de l’étude après le décès de Millie Hughes-Fulford, les voyages spatiaux touristiques vont poser un vrai défi à la médecine spatiale. "Avec la commercialisation des vols spatiaux, il y aura beaucoup plus d'individus plus âgés et en moins bonne santé qui feront l'expérience de la microgravité. Du point de vue de la médecine spatiale, nous constatons que la microgravité a de nombreux effets néfastes sur le corps humain, et nous espérons acquérir la capacité d'atténuer certains des effets de la microgravité pendant les voyages spatiaux."
Une réponse plus faible des lymphocytes T
Des recherches antérieurs menées par le Pr Hughes-Fulford sur les effets de la microgravité sur le système immunitaire avaient aussi montré que dans l’espace, les lymphocytes T du système immunitaire ont une réponse plus faible. Or, ces cellules ont une double fonction essentielle : celle d’attaquer directement des agents pathogènes spécifiques, mais aussi d’aider à orchestrer la réponse immunitaire.
"C'est un double coup dur, estime Brice Gaudilliere, professeur associé au département d'anesthésie de la faculté de médecine de l'université de Stanford. Il y a une atténuation des réponses d'activation immunitaire des lymphocytes T, mais aussi une exacerbation des réponses immunosuppressives des Tregs." Les chercheurs ont également constaté que les lymphocytes "tueurs naturels" étaient moins actifs en microgravité simulée, tandis que les cellules B productrices d'anticorps ne semblaient pas affectées.