- Avec quelques 50 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année, le cancer de la prostate est le premier des cancers masculins.
- Il se situe par ailleurs au 3e rang en terme de décès chez l’homme : en 2018, il a provoqué 8 100 morts en France.
L’étude européenne PEACE 1 pourrait changer la donne et modifier le traitement standard des cancers de la prostate métastatiques. Les premiers résultats de cet essai clinique de phase III promu par Unicancer, présentés au congrès de l’ASCO 2021 par le Pr Karim Fizazi, oncologue à Gustave-Roussy, montrent que combiner d’emblée l’abiratérone à une hormonothérapie classique et une chimiothérapie réduit de moitié le risque de progression tumorale et fait gagner deux ans et demi de survie sans progression de la maladie.
10 % des cancers de la prostate sont métastatiques
Environ 10 % des cancers de la prostate diagnostiqués chaque année se révèlent d’emblée métastatiques : pour ces 5 000 patients, le pronostic de survie à long terme n’est pas élevé. La prise en charge de ces tumeurs, qui s’avèrent aussi plus agressives, a longtemps reposé sur la seule inhibition de production de testostérone, qui alimente ces tumeurs hormono-sensibles, retrace le Pr Karim Fizazi. "Depuis l’ablation des testicules, historiquement pratiquée dans les années 1940, on a beaucoup évolué pour supprimer la production de testostérone. Les médicaments d’hormonothérapie classique sont ainsi devenus le standard de la prise en charge de ces cancers métastatiques hormono-sensibles".
Pendant plusieurs décennies, à partir des années 1980, ils constituaient la seule option thérapeutique mais ne permettaient généralement que de gagner un an de survie sans progression de la maladie. Une révolution majeure s’est amorcée à partir de 2015 avec de nouvelles options, qui ont élargi l’arsenal thérapeutique et permis d’intensifier les traitements. Plusieurs études et méta-analyses ont successivement démontré qu’associer d’emblée une chimiothérapie à base de taxane (docetaxel) à la suppression androgénique classique augmente à 2 ans environ la durée médiane de survie sans progression de la maladie. Les données récentes sur les hormonothérapies de nouvelle génération (abiratérone, apalumide ou enzalutamide) ont également montré qu’elles améliorent les résultats de la seule hormonothérapie traditionnelle. Les deux options sont devenues le standard recommandé de prise en charge, le choix de l’une ou de l’autre appartenant aux oncologues. "Faute de données évaluant le bénéfice à additionner d’emblée les différents traitements, la question de les combiner, à quel moment et pour quelle durée restait en suspens", explique le Pr Fizazi.
Trois médicaments au lieu de deux
L’étude européenne PEACE 1 avait pour but de combler ce manque, en comparant le bénéfice d’une combinaison de trois médicaments au lieu de deux seulement, sur deux critères principaux : la survie sans progression de la maladie et la survie globale. Les résultats préliminaires sur le premier critère d’évaluation plaident d’ores et déjà nettement en faveur de l'association simultanée d’emblée des trois thérapies : abiratérone + hormonothérapie classique + chimiothérapie.
L’essai clinique a été mené entre 2013 et 2018 sur une cohorte de 1 173 patients, de 67 ans d’âge médian, recrutés dans 80 hôpitaux dans sept pays européens (France, Espagne, Italie, Suisse, Irlande, Belgique et Roumanie). Tous avaient un cancer de la prostate métastatique diagnostiqué depuis peu, mais pouvaient, à l’inclusion, avoir déjà démarré un traitement d’hormonothérapie conventionnelle depuis moins de trois mois. Aléatoirement répartis en deux groupes, les uns ont reçu un traitement combinant les trois thérapies : hormonothérapie classique couplée à 6 cycles de docetaxel (75 mg/m2), à raison d’un toutes les trois semaines et 1 000 mg d’abiratérone/jour. Le groupe contrôle était traité par l’association de deux thérapies : hormonothérapie classique + chimiothérapie.
Le suivi à 42 mois "montre une amélioration très nette de la survie sans progression radiologique dans le groupe traité en plus par l’abiratérone, quel que soit le nombre de métastases au diagnostic", relève le Pr Fizazi. On observe en effet un différentiel de deux ans et demi entre les deux groupes de patients. "Gagner deux ans et demi supplémentaires, sans symptômes ni élévation des biomarqueurs de la maladie et permettre ainsi une durée globale de survie sans progression de 4 ans et demi, c’est du jamais vu ! Bonne nouvelle supplémentaire : à six mois, la combinaison des trois traitements n’induit pas de toxicité additionnelle notable. Nous n’avons pas observé d’autres effets secondaires que ceux classiquement imputables à l’abiratérone majoritairement bénins", se réjouit Karim Fizazi.