En février 2019, une étude publiée dans le New England Journal of Medicine suscitait l’espoir des femmes atteintes d’un cancer du sein triple négatif métastatique, la forme la plus agressive de cancer du sein, et la plus mortelle. Le laboratoire Immunomedics y détaillait l’efficacité d’un nouveau traitement qui permettrait d’atteindre spécifiquement la tumeur. Appelé Trodelvy, il offre non pas l’espoir d’une guérison, mais c’est celle d’une espérance de vie rallongée de quelques mois. "Selon les chiffres officiels, la médiane de survie est de 14 mois, explique à Franceinfo Claude Coutier, qui médiatise son combat contre un cancer du sein triple négatif. Quatorze mois, c'est court. Alors, ce médicament, il permet de doubler l'espérance de vie."
Autorisé en urgence sur le territoire américain en avril 2020, le Trodelvy attire également l’attention de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). En mai 2020, celle-ci autorise également l’accès précoce du Trodelvy en France dans le cadre d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) à titre nominatif.
Le Trodelvy à nouveau disponible à la fin de l’année
Mais quelques mois plus tard, c’est la douche froide. Racheté par le laboratoire Gilead en octobre 2020, Immunomedics n’est plus en mesure de produire suffisamment de Trodelvy pour fournir l’Europe. "Nous sommes en cours de construction de cette capacité pour l'Europe et pour les autres pays d'ailleurs, en dehors des États-Unis, justifie auprès de Franceinfo Michel Joly, président de Gilead France. Nous aurons un médicament qui sera disponible au moment aussi de l'autorisation européenne de mise sur le marché, c'est-à-dire à la fin de l'année. Mais en attendant, conscients bien sûr de la situation de ces patientes, nous avons pu prélever quelques milliers de flacons sur la production américaine pour donner accès au Trodelvy à quelques dizaines de patientes qui sont dans une situation d'urgence."
Cette situation d’urgence concerne 78 patientes, dont les demandes ont déjà été validées par l’ANSM avant la suspension de l’ATU fin janvier. Interrogée par le magazine Rose-up, Cécile Rabian, directrice médicale France du laboratoire Gilead, affirme que le laboratoire s’est engagé auprès de l’ANSM pour prendre le relai et "délivrer les doses nécessaires à la poursuite du traitement de ces malades".
Une promesse insuffisante
"78 femmes, c'est super, mais, et les autres, on les laisse mourir ? Que fait-on ?", s’interroge Claude Coutier, qui a créé le collectif #MobilisationTriplettes pour que toutes les femmes atteintes d’un cancer du sein triple négatif métastatique puissent avoir accès au traitement. "On a bien conscience que les malades et les médecins ont besoin en urgence de notre médicament et on fait le maximum pour augmenter nos capacités de production, poursuit Cécile Rabian. Comme pour son médicament anti-Covid, le Remdesivir, le laboratoire cherche actuellement des partenaires pour l’aider à produire davantage de doses."
"Nos collègues américains explorent toutes les pistes possibles pour fournir la France et tous les autres pays qui réclament le Trodelvy. Il y a plusieurs pistes mais peu de structures sont capables actuellement de produire ce médicament" précise encore le laboratoire.
Claude Coutier, de son côté, réclame au laboratoire qu'il accepte de fournir pour les prochains mois le médicament aux 600 patientes françaises en attente. Parmi elles, la moitié aurait moins de 40 ans. "De jeunes mamans, voire des mamans enceintes qui découvrent leur cancer du sein. Il faut absolument des solutions, on ne peut pas accepter ça, on ne peut pas rester sans rien faire, ce n'est pas possible."