Le gaz hilarant pour contrer la dépression ? Dans une nouvelle étude, parue le 9 juin dans la revue Science Translational Medicine, des chercheurs de l’université de médecine de Chicago et de Washington ont rapporté qu’une séance d'inhalation avec 25 % de protoxyde d'azote gazeux peut soulager rapidement les symptômes de la dépression résistante au traitement, avec moins d'effets secondaires indésirables. Les effets positifs dureraient beaucoup plus longtemps qu'on ne le pensait auparavant, certains participants connaissant des améliorations pendant plus de deux semaines.
Un antidouleur connu
Le protoxyde d'azote est fréquemment utilisé comme anesthésique pour soulager la douleur à court terme en dentisterie et en chirurgie. En octobre 2019, des chercheurs américains ont montré que le produit pouvait soulager des douleurs de l’accouchement sans être nocif pour le bébé. “Ces résultats renforcent les preuves que les traitements non traditionnels peuvent être une option viable pour les patients dont la dépression ne répond pas aux médicaments antidépresseurs typiques, ont écrit les chercheurs. Il peut également fournir une option de traitement rapidement efficace pour les patients en crise.”
Cette étude n’est pas la première à étudier les effets du protoxyde d’azote contre la dépression. Dans une recherche précédente, des scientifiques ont testé les effets d'une séance d'inhalation d'une heure avec 50 % de protoxyde d'azote gazeux chez 20 patients. Les résultats ont été positifs puisque le traitement a apporté des améliorations rapides des symptômes dépressifs. Cependant, plusieurs patients ont ressenti des effets secondaires négatifs, notamment des nausées, des vomissements et des maux de tête.
Le bon dosage
Dans ces nouveaux essais de phase 2, les chercheurs ont diminué les doses afin de diminuer les effets secondaires. “Cette enquête a été motivée par les observations de la recherche sur la kétamine et la dépression, contextualise Peter Nagele, auteur principal de l’étude. Comme l'oxyde nitreux, la kétamine est un anesthésique, et il y a eu des travaux prometteurs utilisant la kétamine à une dose sous-anesthésique pour traiter la dépression. Nous nous sommes demandé si notre concentration passée de 50% n'avait pas été trop élevée. Peut-être qu'en abaissant la dose, nous pourrions trouver le bon dosage qui maximiserait les avantages cliniques et minimiserait les effets secondaires négatifs.”
Les chercheurs ont répété le même protocole que pour l’étude précédente, testant le traitement sur 20 patients avec, cette fois, 25 % de protoxyde d'azote gazeux. Ils ont constaté que cela était presque aussi efficace que 50 % de protoxyde d'azote mais cette fois avec seulement un quart des effets secondaires négatifs. De plus, ils ont examiné les scores de dépression clinique des patients après un traitement sur une période plus longue. Alors que la dernière étude n'évaluait les symptômes de la dépression que jusqu'à 24 heures après le traitement, cette nouvelle recherche a mené des évaluations supplémentaires sur deux semaines. Après une seule administration, l'amélioration des symptômes de dépression chez certains patients a duré pendant toute la période d'évaluation.
Un traitement alternatif
Cette découverte ouvre une voie thérapeutique intéressante pour les patients qui ne répondent pas aux traitements habituels. “Un pourcentage important – que nous pensons d'environ 15 % - des personnes qui souffrent de dépression ne répondent pas au traitement antidépresseur standard, estime Charles Conway, co-auteur de l’étude. Ces patients souffrent souvent pendant des années, voire des décennies, d'une dépression invalidante. Nous ne savons pas vraiment pourquoi les traitements standard ne fonctionnent pas pour eux, bien que nous soupçonnions qu'ils puissent avoir différentes perturbations du réseau cérébral. L'identification de nouveaux traitements, tels que le protoxyde d'azote, qui ciblent des voies alternatives est essentielle pour traiter ces personnes.”
Malgré sa réputation et son surnom de gaz hilarant, le protoxyde d’azote, pris avec une concentration de seulement 25%, n’a pas eu pour effet de stimuler les patients. “Ils ne deviennent pas défoncés ou euphoriques, ils sont sous sédatifs”, précise Peter Nagele.
Des effets négatifs à court et long terme
Le protoxyde d’azote reste un produit dangereux. En juillet 2020, l’Anses s’est alarmé d’une augmentation des intoxications au gaz hilarant, notamment chez les jeunes. En réaction, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a déclaré vouloir interdire ce produit dont l’utilisation détournée en fait une véritable drogue. À très court terme, il peut avoir des effets très désagréables : nausées, vomissements, maux de tête, crampes abdominales, diarrhées, somnolence, acouphènes ... mais surtout brûlures des lèvres, du nez ou des cordes vocales à cause du froid puisque ce gaz est conditionné à température très basse, altération des réflexes de déglutition, perte de connaissance.
De nombreux effets à long terme liés à une utilisation régulière sont également en cause. On peut ainsi noter : pertes de mémoire, trouble de l'humeur et paranoïa, troubles de l'érection, hallucinations, troubles cardiaques et de la tension artérielle. À forte doses, la consommation de protoxyde d'azote peut entraîner une carence en vitamine B 12 et des troubles neurologiques. Le surdosage se manifeste par des troubles moteurs, des convulsions et une possible détresse respiratoire pouvant provoquer la mort.