Ce sont des micro-évènements, dont les effets durent longtemps. Les petites frustrations ou énervements du quotidien altèrent notre humeur, mais ils ont aussi des conséquences sur nos décisions. Dans une étude parue dans Journal of Applied Psychology, des chercheurs de l’université du Maryland se sont intéressés à ce phénomène, appelé effet d’ancrage. Cette notion désigne la difficulté à se séparer d’une première impression. L’équipe de scientifiques américains s’est concentrée sur l’impact de ce biais sur les diagnostics.
Une situation risquée dans le monde médical
"L’effet d’ancrage peut apparaître dans des situations très différentes, mais il est très fréquent dans l’univers médical", précisent les chercheurs. "Si vous allez voir votre médecin, et que vous lui dites ‘je pense que je fais une attaque cardiaque’, cela peut devenir l’ancrage et le docteur risque de rester fixé sur ce diagnostic, même si vous avez seulement une indigestion", explique Trevor Foulk, l’un des auteurs de cette étude. Ce biais peut être très dangereux lorsqu’il touche des médecins : ils risquent de donner un mauvais traitement.
Un ancrage persistant en cas d’impolitesse
Dans leurs travaux, les chercheurs se sont concentrés sur le contexte dans lequel naît l’effet d’ancrage. Depuis de nombreuses années, ils travaillent sur les conséquences de l’impolitesse dans le milieu professionnel. "Lorsque les individus subissent l’impolitesse, cela mobilise une grande partie de leurs ressources psychologiques et restreint leur ouverture d’esprit", ont-ils précédemment constaté. L’équipe scientifique a testé une hypothèse : l’impolitesse accentue l’effet d’ancrage. Ils ont recruté des internes en anesthésie. Pendant l’expérience, les internes devaient diagnostiquer des patients, mais juste avant de les recevoir, quelqu’un leur donnait une indication fausse sur l’état du patient, celle-ci devait devenir l’ancrage. Tout au long de l’exercice, le simulateur leur donnait des informations destinées à contredire cet ancrage. Dans certains cas, les chercheurs ont réalisé une mise en scène différente : juste avant le début de l’expérience, un médecin entrait dans la pièce et se comportait de manière impolie avec un autre docteur, le tout devant les internes.
Des conséquences concrètes sur la santé des patients
"Nous avons constaté que lorsqu’ils sont confrontés à de l’impolitesse avant le début de la simulation, ils maintiennent leur mauvais diagnostic, même en présence d’informations fiables qui montrent qu’il est erroné", raconte Trevor Foulk. Selon lui, ce constat est valable dans des contextes différents et d’autres essais l’ont prouvé. En cas de situation d’impolitesse, les individus sont plus sujets à l’effet d’ancrage. Cela est vrai lorsque l’impolitesse vise directement l’individu mais aussi lorsqu’il en est seulement témoin. Pour le chercheur et son équipe, il est primordial de modifier ces comportements au travail. "Nous n’avons jamais toléré l’agressivité au travail, insiste-t-il, mais nous n’avons pas de problème avec l’impolitesse." Il estime qu’elle peut avoir des conséquences sur le taux de mortalité. "Des gens pourraient mourir parce que quelqu’un a insulté leur chirurgien avant le début de l’opération." Comme quoi, être poli pourrait sauver des vies !