Alors que le suicide reste la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans, une étude menée entre 2013 et 2019 par une équipe de scientifiques de l'INSERM et de l'université Bordeaux-Montaigne a cherché quels pouvaient être les facteurs qui poussent des jeunes étudiants à ce geste dramatique.
Et les résultats de ces travaux, publiés dans la revue Scientific Reports le 15 juin, s'ils confirment qu'anxiété et dépression sont des facteurs de risque importants, font apparaître des éléments plus inattendus.
Le manque d'estime de soi en quatrième position
C'est en utilisant l'intelligence artificielle pour analyser les données de plus de 5 000 étudiants de plus de 18 ans recueillies entre 2013 et 2019 au moyen de questionnaires en ligne que les facteurs de prédiction du suicide ont été identifiés et classés. Premier enseignement de cette étude qui, il est important de le souligner, a été réalisée avant la crise sanitaire du coronavirus qui a eu des effets terribles sur la santé mentale des étudiants, 17% des participants avaient présenté des comportements suicidaires au cours de l'année précédent le moment où ils ont répondu au questionnaire. Une proportion à peu près équivalente entre filles et garçons.
Deuxième point à retenir, sur les indicateurs de risque retenus par l'algorithme à partir d'une liste de 70 facteurs prédictifs, quatre seulement ont permis de détecter 80% des comportements suicidaires ! Il s'agit des pensées suicidaires préexistantes, de l'anxiété, des symptômes dépressifs mais aussi de l'estime de soi. Ce dernier facteur -qui arrive donc en quatrième position- jouerait un rôle encore plus important chez les filles. "Les spécialistes de la santé mentale dans nos équipes ne s'attendaient pas à ce que l'estime de soi fasse partie des quatre facteurs prédictifs majeurs des comportements suicidaires", souligne Mélissa Macalli, doctorante en épidémiologie et auteure de cette étude.
L'impact marginal des addictions et des mauvaises conditions de logement
Mais plus étonnant encore, des éléments dont on pourrait penser qu'ils influent sur le risque de comportements suicidaires ne sont pas apparus dans les facteurs les plus importants. C'est ainsi le cas des abus sexuels durant l'enfance et de la maltraitance. De même, la consommation de drogues et d'alcool ou les mauvaises conditions de logement n'auraient, selon cette étude, qu'un impact qualifié de "marginal".
Au-delà de la "photographie" qu'elle offre sur les raisons d'un malaise parmi les étudiants entre 18 et 25 ans, cette étude offre surtout un outil de prévention du suicide assez nouveau. "Ces travaux demandent confirmation mais ils ouvrent la possibilité d'un dépistage à grande échelle en identifiant, grâce à des questionnaires courts et simples, les étudiants à risque de suicide pour les orienter vers une prise en charge adéquate", précise Christophe Tzourio, coordinateur de l'étude, dans un communiqué publié par l'INSERM.