Touchant en moyenne 5 % de la population adulte, le syndrome du côlon irritable (SCI) est un trouble bénin du fonctionnement de l’intestin, du côlon et/ou du gros intestin, mais qui peut occasionner d’importantes gênes comme des douleurs abdominales, des diarrhées ou encore des constipations. Le diagnostic est généralement fait entre 30 et 40 ans, même si ce syndrome peut apparaître avant, chez les enfants ou les adolescents. Parmi les patients, les femmes sont généralement plus touchées que les hommes, avec un rapport de trois pour un dans la population adulte.
Pour les personnes souffrant du SCI, supporter la maladie est d’autant plus difficile qu’elles sont souvent victimes d’une errance diagnostique. Même avec les techniques actuellement disponibles, il n'est possible de diagnostiquer le SCI que par un processus d'élimination. La plupart des personnes souffrant du syndrome du côlon irritable ne consultent leur médecin que lorsqu'elles présentent des symptômes graves. Et là encore, il arrive qu’elles ne soient pas prises au sérieux par les médecins, tout simplement parce qu’aucune cause à la maladie n’a été clairement identifiée.
Mais cela pourrait changer. Dans une étude publiée dans la revue Gastroenterology, des chercheurs de l’université de Vienne démontrent que, dans la plupart des cas, le SCI est associé à des biofilms bactériens dans l'intestin, visibles lors d'un examen endoscopique.
Une perturbation du microbiote intestinal par des médicaments
"Pour la première fois, nous avons réussi à identifier une cause du syndrome du côlon irritable et, dans le même temps, à montrer comment cette maladie peut être diagnostiquée, classée et évaluée avec plus de précision", affirme Christoph Gasche, chef du laboratoire de gastroentérologie moléculaire de l'université de médecine de Vienne et responsable de l’étude.
D’après les chercheurs, les personnes susceptibles d’être touchées par le SCI sont celles qui ont pris beaucoup de médicaments au cours de leur vie, de sorte que l'équilibre de leur microbiote intestinal a été perturbé, notamment par la formation de biofilms bactériens. Les patients qui ont déjà subi une transplantation d'organe sont particulièrement à risque. "Certains médicaments, comme les inhibiteurs de la pompe à protons, peuvent perturber l'équilibre de l'écosystème bactérien. Les bactéries se mettent alors en mode de survie. Pour se donner plus de chances de survivre à ce stress, elles se regroupent par sécurité et forment des biofilms, une sorte d'espace protecteur qui les rend résistantes aux antibiotiques et autres toxines environnementales", détaille le Dr Gasche.
Vers un possible traitement du syndrome du côlon irritable
Au total, plus de 1 000 coloscopies ont été réalisées dans le cadre d'une étude multicentrique, et il a été constaté que deux tiers des personnes qui présentaient des symptômes de SCI avaient également des biofilms dans leur intestin grêle ou gros intestin. Cependant, ces biofilms muqueux sont également présents chez un tiers des patients atteints de colite ulcéreuse.
"Jusqu'à présent, les recherches ont toujours supposé que cette pellicule collante était constituée de résidus d'impuretés présentes dans l'intestin, difficiles à éliminer. Cependant, nous avons maintenant pu montrer que c'est là que la matrice bactérienne adhère", explique le Dr Gasche.
Cette découverte pourrait mener à un possible traitement du SCI pour en atténuer les symptômes. Car, dans de nombreux cas, il est possible de laver ces biofilms dans le gros intestin à l'aide d'un "pistolet de pulvérisation" endoscopique. Cette technique ne peut en revanche pas encore être utilisée pour éliminer les biofilms de l'intestin grêle, où ils sont également fréquents. Mais cette découverte reste encourageante. "Les biofilms, qui reflètent un déséquilibre de la flore intestinale, pourraient bien expliquer les symptômes des patients souffrant du syndrome du côlon irritable et, par conséquent, donner lieu à de nouvelles approches thérapeutiques", concluent les auteurs.