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#FreeBritney

Le cas Britney Spears, ou la délicate question de la mise sous tutelle des malades mentaux

Par Mathilde Debry

Placée sous la tutelle de son père depuis 13 ans, l’artiste de 39 ans estime que cette mesure est abusive, et a plaidé son cas devant le tribunal de Los Angeles.

@wikipédia
Britney Spears confie dans un reportage souffrir de bipolarité en 2013.
Le trouble bipolaire, autrefois appelé psychose maniaco-dépressive, est une maladie au long cours qui entraîne des dérèglements de l’humeur. Dans sa forme la plus typique, elle alterne des périodes d’exaltation de l’humeur (épisode maniaque ) et de fléchissement de l’humeur (épisode dépressif).

“Je veux pouvoir me marier et avoir un enfant. On vient de me dire, à l’instant, que sous tutelle, je ne pouvais pas me marier ni avoir un bébé". La célébrissime chanteuse Britney Spears a plaidé devant le tribunal de Los Angeles mercredi 23 juin pour reprendre le contrôle de sa vie. Diagnostiquée bipolaire, la star de la pop a été mise sous la tutelle de son père en 2008, après une descente aux enfers psychologique (l’ayant notamment conduit à refuser de donner ses enfants à leur père et à se raser la tête devant les paparazzis).

"Je pleure tous les jours"

Parmi les conditions très strictes qui lui sont imposées, Britney Spears a notamment affirmé être contrainte de garder son stérilet, ce qui a considérablement choqué les réseaux sociaux. “Je pourrais essayer d’avoir un autre enfant, mais cette soi-disant équipe ne me laissera pas aller chez le médecin, parce qu’ils ne veulent pas que j’aie d’enfants, d’autres enfants”, a-t-elle expliqué. “Je suis fatiguée de me sentir seule. Je mérite les mêmes droits que n’importe qui”, estime-t-elle, soutenue par nombre de fans et d’artistes, qui se mobilisent depuis des années sur les réseaux sociaux et dans la rue autour du hastag #FreeBritney ("Libérez Britney").

"J'ai menti et dit au monde entier en disant « Je vais bien et je suis heureuse ». C'est un mensonge. Je pensais que si je le disais suffisamment, peut-être que je deviendrais heureuse, parce que j'étais dans le déni", a également déclaré la chanteuse en détresse. Elle se dit aussi "traumatisée" et "déprimée" : "je ne suis pas heureuse. Je n'arrive pas à dormir. Je suis tellement en colère, c'est dingue. [...] Je pleure tous les jours".

Comment fonctionne une mise sous tutelle ?

Au-delà de l’aspect people, la triste situation de Britney Spears expose la délicate question de la mise sous tutelle des malades mentaux. Malheureusement parfois nécessaire, la tutelle est une mesure judiciaire destinée à protéger une personne majeure et/ou tout ou une partie de son patrimoine si elle n'est plus en état de veiller sur ses propres intérêts du fait de l'altération de ses facultés mentales, ou lorsqu'elle est physiquement incapable d'exprimer sa volonté. Au quotidien, un tuteur représente le malade dans les actes de la vie civile, comme le fait actuellement le père de Britney Spears, Jamie.  

Le juge des contentieux de la protection (Brenda Penny dans le cas de Britney Spears) fixe la durée de la tutelle, limitée à 5 ou à 10 ans si l'altération des facultés personnelles de la personne sous tutelle n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises par la science.

Un flou juridique concernant la contraception des malades mentales 

Le juge peut alléger la mesure à tout moment, et peut également énumérer les actes que la personne peut faire seule ou non, au cas par cas. Un cadre juridique qui parait clair, mais dans le cas de Britney Spears et de l’obligation de porter un stérilet, un flou juridique existe en France.

Le gouvernement indique qu’une intervention médicale peut être décidée par la personne sous tutelle “si son état le permet”, ce qui semble être le cas de Britney Spears, qui apparait comme parfaitement lucide sur les nombreuses vidéos qu’elle poste d’elle sur Instagram. De son côté, l’Inspection générale des affaires sociales explique, dans son rapport de 1998, qu'"il faut pouvoir imposer momentanément une contraception à une personne". "Sauf qu'il ne s'agit que d'une recommandation et aucun texte de loi n'encadre l'accès à des méthodes contraceptives (pilule, stérilet, implant...) pour les personnes handicapées mentales. Alors, en jonglant avec les notions de liberté et de sécurité de chacune de leurs résidentes, dont il est parfois compliqué de recueillir le consentement, les professionnels de santé tâtonnent", explique une enquête de France Info.

Ainsi, la présidente et directrice générale du planning familial américain a publiquement soutenu Britney Spears sur son comte Twitter, affirmant que la star état victime de “coercition reproductive”. "Nous sommes solidaires de Britney et de toutes les femmes qui font face à une coercition reproductive. Votre santé reproductive est la vôtre - et personne ne doit prendre de décision à ce sujet à votre place”, a-t-elle écrit.

Le cas de Britney Spears est très complexe

La situation se complexifie encore lorsque l’on sait que Britney Spears entretien depuis longtemps une relation difficile avec son père, accusé par les membres du mouvement #FeeBritney de profiter de la fortune de sa fille. L’avocat de Britney Spears a ainsi récemment demandé au tribunal de remplacer Jamie Spears par la tutrice professionnelle qui co-gère actuellement son cas avec son père.

Dernier élément délicat à prendre en compte : les personnes bipolaires le sont à diverses degrés, et la maladie n’est pas linéaire dans le temps. Un malade peut ainsi parfaitement gérer sa vie s’il est bien suivi médicalement, puis arrêter ses traitements et en perdre le contrôle, comme cela a par exemple été le cas de Kanye West lors de son dernier discours politique. Tous les bipolaires n’ont aussi pas forcément le statut de travailleurs handicapés, car les cas les plus légers arrivent à mener une vie professionnelle normale.

La mise sous tutelle de la chanteuse n’a ainsi pas empêché l’artiste de rester active professionnellement : elle a sorti trois albums et a assuré une série de spectacles en résidence à Las Vegas, effectuant par ailleurs quelques apparitions dans des shows télévisés. En janvier 2019, elle a toutefois annoncé qu’elle suspendait jusqu’à nouvel ordre ses activités artistiques.