- Chaque mot ajouté faisant référence à un politicien rival ou à une vision du monde concurrente augmente les chances qu'une publication soit partagée de 67 % en moyenne sur l'ensemble des données.
- Facebook et Instagram prévoient de laisser le choix à l'utilisateur de pouvoir masquer le nombre de “j'aime”.
- De nombreuses études montrent les effets négatifs des réseaux sociaux sur l'estime de soi et les risques de dépression.
“La critique est aisée mais l’art est difficile”. Cette phrase du comédien et auteur dramatique Philippe Néricaut date du XVIIIème siècle mais a rarement semblé plus d’actualité qu’à l’ère des réseaux sociaux. Alors que les élections régionales et départementales ont rendu leur verdict ce dimanche 27 juin, les publications sur les réseaux sociaux continuent d’affluer. Dans une étude parue le 15 mai dans la revue PNAS, des chercheurs britanniques de l’université de Cambridge suggèrent que les publications vis-à-vis des politiques sont deux fois plus susceptibles de devenir virales si elles sont négatives plutôt que positives.
67% de chances supplémentaires d’être partagé
Les chercheurs ont analysé 2,7 millions de tweets et de messages Facebook de médias américains et de personnalités politiques sur cinq ans. Ils ont remarqué que les messages négatifs dont l’objet est d’attaquer ou de moquer un adversaire politique sont deux fois plus susceptibles de provoquer des réactions. Ce type de post a attiré plus de réactions, que ce soit des émojis de colère ou de rire, que les messages positifs ont entraîné des cœurs ou des pouces levés.
Chaque mot ajouté faisant référence à un politicien rival ou à une vision du monde concurrente augmente de 67% les chances qu'une publication soit partagée. “Démolir l'opposition politique était le prédicteur le plus puissant d'une publication virale parmi tous ceux que nous avons mesurés. C'était le cas pour les médias et les politiciens à tendance républicaine et démocrate, sur Facebook et Twitter”, a constaté Steve Rathje, auteur principal de l’étude.
Masquer les likes, une bonne idée aux faibles effets
Les algorithmes des réseaux sociaux sont conçus de manière à promouvoir le contenu le plus populaire. Les propos critiques, et même parfois extrêmes, étant les plus populaires, la question de l’influence de ces nouveaux médiums se pose forcément. De plus en plus d’études scientifiques pointent le rôle négatif que peuvent avoir les réseaux sociaux.
Pour contrer cet effet, Facebook et Instagram ont récemment indiqué vouloir laisser la possibilité aux utilisateurs de pouvoir masquer le nombre de “j'aime” reçu par une publication. Plusieurs spécialistes ont réagi à cette annonce en expliquant que les effets sur les utilisateurs seront peu significatifs. “Il peut s'agir d'un pas dans la bonne direction pour certaines personnes, mais je ne crois pas que ce sera un changement transformateur majeur”, a estimé Sophia Choukas-Bradley, professeure adjointe en sciences psychologiques et cérébrales à l'université du Delaware, au Washington Post. “Nous savons que les paramètres par défaut sont très puissants, et de nombreux utilisateurs ne prendront peut-être pas le temps de modifier leurs paramètres et d'effectuer le changement”, ajoute Jeff Hancock, directeur fondateur du Stanford Social Media Lab.
Les posts, un effet négatif sur la confiance en soi
Le problème n’est pas tant de pouvoir masquer ou dévoiler à sa guise les "like", mais de participer sans parfois même le vouloir à une quête effrénée de validation sociale. C’est cette dernière qui inquiète de nombreux experts : pour être "validés" par leurs pairs et donc "aimés" par eux, les adolescents s’exposent à une vision édulcorée de la réalité, de leur environnement et de leur entourage, et n’ont pas nécessairement les clés pour pouvoir déjouer ces faux-semblants.
En 2018, une étude publiée dans la revue Body Image montrait que les photographies postées sur les réseaux sociaux ont un effet négatif sur la confiance en soi et la perception corporelle des jeunes femmes qui les consultent assidûment, les commentent et les “likent”. Cette pression sociale d’être “aimée” virtuellement peut ainsi les conduire à développer des troubles du comportement alimentaire et affecter durablement leur estime de soi ou leur façon d’appréhender leur image corporelle. “Lorsque nous nous comparons à d'autres personnes, cela peut avoir une incidence sur l’évaluation que nous faisons de nous-même”, estimait alors Jennifer Mills, autrice principale, qui mettait en garde contre les troubles du comportement alimentaire que peuvent engendrer les réseaux sociaux.
Un risque de dépression accru
Une autre étude de 2019 lui a donné raison, en montrant que parmi 996 adolescents, 51,7 % des filles et 45 % des garçons souffraient de troubles de l’alimentation. Ils avaient tendance à sauter des repas et à faire du sport à outrance pour perdre du poids ou éviter d’en prendre. Les utilisateurs d’Instagram et de Snapchat semblaient être les plus affectés.
Une utilisation trop importante des réseaux sociaux comme Facebook ou Instagram peut aussi accroître le risque de dépression, ce qui a conduit des experts à publier en 2019 une lettre ouverte dans The Lancet, pour exhorter les personnes dépressives à s’éloigner des réseaux sociaux pour privilégier les vraies interactions sociales.