Les personnes consommant régulièrement des substances améliorant la performance comme la créatine sont-elles aussi plus enclines à la délinquance criminelle ? C’est en tout cas le lien qu’établit une nouvelle étude longitudinale publiée en ligne dans la revue Drug and Alcohol Dependence.
Selon ses auteurs, il s’agit de la première étude à établir un lien entre la prise d’une substance légale – la créatine – et la délinquance. Jusqu’à présent, cette association n’avait été faite que chez les personnes prenant des stéroïdes androgènes anabolisants (SAA), une version synthétique de la testostérone, dont le commerce est illégal en France.
Un lien entre consommation de créatine et délinquance
Contrairement aux stéroïdes anabolisants, la créatine est légalement vendue dans le commerce. Il s’agit d’un acide aminé non essentiel de l'alimentation, présent naturellement dans la viande, la volaille et le poisson, à raison d'environ 5 g par kilo. Lorsqu’elle est vendue dans le commerce, la créatine est un dérivé synthétique sous forme de poudre soluble ou semi-soluble, en comprimés, en gaufrettes ou sous forme liquide. Très prisée par les adeptes de musculation, la créatine améliore légèrement le rapport masse musculaire/masse adipeuse lorsqu’on s’entraîne, et booste les performances physiques.
Pour les besoins de l’étude, les chercheurs ont analysé un échantillon de plus de 9 000 participants américains de l'étude longitudinale nationale sur la santé des adolescents (Add Health). Ces participants ont été suivis sur une période de 15 ans. Les résultats montrent que la prise de substances pour améliorer les performances physiques a été prospectivement associée à la délinquance criminelle au cours de l'âge adulte et moyen.
"Il s'agit de la première étude à identifier des relations entre la consommation légale de substances améliorant la performance et la délinquance criminelle, explique Kyle T. Ganson, professeur adjoint à la Faculté de travail social Factor-Inwentash de l'Université de Toronto (Canada) et auteur principal. Cette constatation est d'autant plus importante que ces substances sont facilement accessibles et couramment utilisées, en particulier chez les jeunes."
Adapter la prévention pour réduire la consommation et la délinquance
Pour les auteurs, ces résultats soulignent l'importance pour les professionnels cliniques de dépister la consommation de substances améliorant la performance et d'évaluer les schémas de délinquance criminelle chez les jeunes. "Nous avons besoin de plus de recherches pour identifier des techniques de prévention et d'intervention efficaces afin de nous assurer que nous réduisons l'utilisation de ces substances, ainsi que de réduire tout lien avec la délinquance criminelle", estime Jason M. Nagata, professeur adjoint au département de pédiatrie de l'université de Californie à San Francisco, et co-auteur de l’étude.
"Les associations trouvées dans cette étude s'expliquent probablement par une intersection d'influences comportementales, psychologiques et socioculturelles, poursuit le Pr Ganson. Nous devons donc cibler ce problème sous une multitude d'angles, notamment sur le plan clinique et via des interventions de santé publique et de politique générale."