- L'étude a suivi 200 000 participants sur une période de dix ans, dont la moitié souffrait d'insuffisance cardiaque.
- Les patients souffrant d'insuffisance cardiaque ont relevé une augmentation de 25,7 % de l'incidence du cancer, contre 16,2 % chez les patients sans insuffisance cardiaque.
- Une augmentation de tous les types de cancer a été constatée, notamment le cancer des lèvres, de la cavité buccale et du pharynx.
- Il s'agit cependant d'une étude d'observation, qui ne prouve donc pas que l'insuffisance cardiaque provoquerait le cancer.
C’est une étude aux résultats inédits et inquiétants : les personnes souffrant d’insuffisance cardiaque auraient un risque accru de développer un cancer.
Touchant plus de 65 millions de personnes dans le monde, dont un million de personnes en France, l’insuffisance cardiaque est caractérisée par une incapacité chronique du cœur à pomper suffisamment de sang ou à le pomper assez fort pour apporter l'oxygène nécessaire à l'organisme. Elle est la principale cause d'hospitalisation chez les personnes de plus de 65 ans, et les facteurs de risque de ce trouble comprennent l'hypertension artérielle, l'hypercholestérolémie, le diabète, le tabagisme et les antécédents familiaux.
Pour la première fois, une étude publiée dans la revue ESC Heart Failure, et présentée à Heart Failure 2021, un congrès scientifique en ligne de la Société européenne de cardiologie, établit un lien entre insuffisance cardiaque et risque de cancer.
"Il s'agissait d'une étude d'observation et les résultats ne prouvent pas que l'insuffisance cardiaque provoque le cancer, nuance le Dr Mark Luedde, de l'université Christian-Albrechts de Kiel (Allemagne) et auteur principal. Toutefois, les résultats suggèrent que les patients souffrant d'insuffisance cardiaque pourraient bénéficier de mesures de prévention du cancer."
Une augmentation de 25,7 % du taux d’incidence du cancer
Les chercheurs ont examiné l'association entre l'insuffisance cardiaque et le développement de nouveaux cancers dans une grande cohorte, comprenant plus de 200 000 patients résidant en Allemagne : 100 124 patients souffrant d'insuffisance cardiaque et 100 124 personnes sans insuffisance cardiaque qui ont été inclus dans l'analyse. Aucun participant n'avait de cancer au début de l'étude, l'âge moyen de la population étudiée était de 72,6 ans et 54 % étaient des femmes. Des modèles statistiques ont ensuite été utilisés pour examiner l'association entre l'insuffisance cardiaque et l'incidence du cancer sur 10 ans.
Au cours de la période d'observation de 10 ans, les chercheurs ont constaté que l'incidence du cancer était significativement plus élevée chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque (25,7 %) par rapport aux patients sans insuffisance cardiaque (16,2 %). Chez les femmes, l'incidence du cancer était de 28,6 % chez les patientes souffrant d'insuffisance cardiaque et de 18,8 % chez les patientes sans insuffisance cardiaque. Chez les hommes, les taux correspondants étaient de 23,2 % et 13,8 %.
L'insuffisance cardiaque était significativement associée à l'incidence du cancer, avec un rapport de risque de 1,76 (respectivement 1,85 pour les femmes et 1,69 pour les hommes).
Un lien entre cancer et insuffisance cardiaque "biologiquement plausible"
Fait intéressant, des associations significatives ont été trouvées entre l'insuffisance cardiaque et tous les types de cancer évalués. La plus forte augmentation du risque a été observée pour le cancer des lèvres, de la cavité buccale et du pharynx, avec un rapport de risque de 2,10. Suivent le cancer des organes respiratoires (rapport de risque de 1,91), le cancer des organes génitaux féminins (1,86), les tumeurs cutanées (1,83), le cancer des tissus lymphoïdes et hématopoïétiques (1,77), le cancer de l'appareil digestif (1,75), le cancer du sein (1,67) le cancer de l'appareil génito-urinaire (1,64) et enfin le cancer des organes génitaux masculins (1,52).
"Nos résultats nous permettent de spéculer qu'il pourrait y avoir une relation de cause à effet entre l'insuffisance cardiaque et un taux accru de cancer. Cette hypothèse est biologiquement plausible, car il existe des preuves expérimentales que des facteurs sécrétés par le cœur défaillant peuvent stimuler la croissance des tumeurs ", souligne le Dr Luedde.
Il existe cependant des limites à l’étude, qui ne contient aucune information sur le tabagisme, la consommation d'alcool ou l'activité physique des participants.
"Il est courant que les patients atteints de cancer qui ont reçu des médicaments nocifs pour le cœur soient surveillés pour une insuffisance cardiaque. Inversement, les preuves s'accumulent pour indiquer que les patients souffrant d'insuffisance cardiaque pourraient bénéficier d'une surveillance intensive du développement du cancer - par exemple par le biais du dépistage, compte tenu de l'incidence élevée des deux", conclut le Dr Luedde.