- Le masquage visuel en arrière est un phénomène utilisé en science pour étudier comment la perception visuelle est traitée dans le cerveau.
- Les mécanismes de perception visuelle changent radicalement après les 6 premiers mois de la vie.
- Les résultats ont également montré que les objets qui peuvent être perçus dans la petite enfance deviennent imperceptibles au cours du développement.
Les nourrissons ne parlent peut-être pas mais ils sont capables de voir, parfois mieux que les adultes. Une nouvelle recherche, menée par des chercheurs japonais de l’université Chuo de Tokyo et publiée le 17 mai dans le PNAS, suggère que les bébés de moins de 7 mois peuvent percevoir des objets que ni les enfants plus âgés ni les adultes ne peuvent voir. Un résultat étonnant qui s’explique par le phénomène de “masquage visuel en arrière”.
Une interférence avec le traitement de rétroaction
Le masquage visuel en arrière est un phénomène utilisé en science pour étudier comment la perception visuelle est traitée dans le cerveau. Cela consiste à présenter brièvement une image immédiatement après un bref stimulus visuel “cible” pendant un temps très court. Cela entraîne normalement une incapacité à percevoir consciemment la première image. Fait intéressant, ce phénomène se produit même si le deuxième objet ne chevauche pas spatialement le premier objet, notent les chercheurs japonais. Cette technique est notamment utilisée dans les études psychophysiologiques sur la peur et les phobies qui étudient les réactions non conscientes à des stimuli liés à la peur.
L’incapacité de percevoir la première image est supposée être due à une interruption du “traitement de rétroaction”. Lorsque nous voyons quelque chose, les informations visuelles sont traitées en série des zones visuelles inférieures vers les zones supérieures du cerveau de manière ascendante. Cependant, le traitement de rétroaction descendante, dans lequel les signaux visuels sont renvoyés des zones supérieures vers les zones inférieures, joue également un rôle essentiel dans la perception visuelle. On pense qu'un masquage visuel en arrière se produit en raison d'une interférence avec le traitement de rétroaction.
Un traitement de la rétroaction immature
Les chercheurs ont mené des expériences afin de tester si le masquage en arrière se produit chez les nourrissons. “Nous avons appliqué un masquage en arrière aux nourrissons âgés de 3 à 8 mois pour examiner le développement du traitement de la rétroaction, poursuit Yusuke Nakashima, auteur principal de l’étude. Des études récentes en science de la vision ont révélé l'importance du traitement de la rétroaction dans la perception visuelle, mais son développement est mal compris.” Pour cela, les scientifiques ont présenté des images de visages sur un écran d'ordinateur et mesuré le temps que les nourrissons passaient à les regarder. Comme les nourrissons ont tendance à regarder les visages plus longtemps, les chercheurs peuvent tester si les nourrissons perçoivent les visages en mesurant leur temps de regard. Deux types d’expériences ont été réalisées : dans la première, un visage était suivi d'une image de masque de sorte que les nourrissons ne verraient pas le visage si un masquage arrière se produisait ; dans la deuxième, rien n'est apparu après le visage, de sorte que les nourrissons pourraient voir le visage.
Les résultats ont révélé que les nourrissons âgés de 7 à 8 mois n’ont pas perçu les visages suivis du masque, ce qui indique qu'un masquage vers l'arrière s'est produit, comme chez les adultes. En revanche, ceux de moins de 7 mois ont réussi à voir des visages même lorsque les visages étaient suivis de l'image du masque, indiquant qu'il n'y avait pas de masquage et que les nourrissons plus jeunes pouvaient voir des visages que les nourrissons plus âgés ne peuvent pas voir. “Ces résultats suggèrent que le traitement de la rétroaction est immature chez les nourrissons de moins de 7 mois, assure Yusuke Nakashima. C'est-à-dire que les nourrissons plus jeunes n'ont pas de traitement de rétroaction et donc, le masquage est inefficace pour eux.”
Des résultats en apparence contre-intuitifs
Ces observations révèlent que les mécanismes de perception visuelle changent radicalement après les 6 premiers mois de la vie. Les résultats ont également montré que les objets qui peuvent être perçus dans la petite enfance deviennent imperceptibles au cours du développement. “Cela peut sembler contre-intuitif, affirme Masami Yamaguchi, professeur à l'université Chuo et également auteur de l’étude. Des capacités visuelles importantes seraient acquises par la maturation du traitement de la rétroaction.”
Le traitement de rétroaction est essentiel pour percevoir de manière robuste des images visuelles ambiguës, telles que des objets occlus. “Les nourrissons plus jeunes dont le traitement de la rétroaction est immature pourraient percevoir le monde extérieur de manière ambiguë, conclut Masami Yamaguchi. En échange de la susceptibilité au masquage visuel, nous acquérons la capacité de percevoir avec robustesse des scènes visuelles ambiguës.”