Le 29 juin dernier, le vote définitif de la loi de bioéthique a marqué un tournant sur de nombreux sujets de société, comme l’ouverture de la PMA aux femmes homosexuelles ou célibataires. Parmi les diverses évolutions législatives, celles concernant la recherche sur les cellules souches embryonnaires méritent que l'on s’y arrête.
Régénérer des organes malades
La recherche sur les cellules souches embryonnaire est intéressante dans le domaine de la greffe d’organes malades. En effet, les cellules prélevées dans un embryon au premier stade de son développement peuvent se renouveler indéfiniment et se spécialiser, c’est-à-dire se transformer en n’importe quel type de cellules du corps (muscles, sang, peau…). Ainsi, elles permettraient in fine de régénérer des organes malades sans passer par une greffe (du foie, du cœur, du poumon…), ouvrant "une perspective de nouvelles voies thérapeutiques, comme la médecine régénérative", explique l’Agence de biomédecine.
Néanmoins, la recherche sur ces cellules souches soulève de nombreux problèmes éthiques, philosophiques et religieux, puisqu’il s’agit, concrètement, de détruire un embryon, donc, pour beaucoup, d’interrompre un début de vie humaine.
Deux évolutions
Pour faire simple, la loi de bioéthique a fait évoluer la recherche sur les cellules souches embryonnaires de deux manières. La première est d’ordre administrative : les députés ont voté en faveur de la levée de l’obligation de la demande d’autorisation pour les chercheurs voulant utiliser des cellules-souches embryonnaires. En d’autres termes, la recherche sur les cellules embryonnaires est désormais soumise à une simple déclaration, et non plus à une demande d’autorisation auprès de l’Agence de biomédecine. "C’est censé simplifier la recherche", explique le professeur Philippe Hénon, hématologue et membre du comité d’Ethique de Cellprothera. "Mais la déclaration d’intention doit fournir un protocole d’étude, que l’Agence de biomédecine va accepter ou refuser. C’est donc une finesse juridique, parce qu’entre demander une autorisation et faire une déclaration soumise à une validation, la différence entre les deux processus est très ténue. Je ne suis pas juriste, mais je ne suis pas certain que cela change grand-chose", poursuit l’expert.
Beaucoup plus révolutionnaire, la seconde évolution est d’ordre scientifique : le délai maximal de culture des embryons in vitro pour la recherche est passé de 7 à 14 jours. "Cette évolution temporelle a une cause biogénétique, car jusqu’à 14 jours, un embryon peut se diviser et donner des jumeaux. Donc à 7 jours, on ne peut pas être sûr que l’embryon que l’on va utiliser correspond à une seule personne", détaille Philippe Hénon. "Par ailleurs, après 14 jours, l’embryon commence à se structurer avec des ébauches d’organes, donc c’est plus compliqué", poursuit le professeur.
"Les embryons de 7 jours sont déjà capables de donner environ 200 tissus organiques différents. Mais, à ce stade, on ne peut récupérer que 70 cellules, ce qui est assez limité. A 14 jours, il y a beaucoup plus de cellules à prélever, car elles augmentent en quantité tous les jours. Ce nouveau délai donne donc plus de possibilités à recherche", ajoute Philippe Hénon.
La nouvelle piste de la moelle osseuse
La recherche sur les cellules souches embryonnaires est sur le devant de la scène scientifique et médiatique depuis 25 ans, suscitant de nombreux espoirs thérapeutiques. Néanmoins, on est encore loin de la régénération des organes malades, notamment parce qu’en dehors du corps humain, ces cellules souches ont tendance à se transformer en cellules cancéreuses, pouvant ainsi dégénérer en tumeurs.
"Pour moi, l’avenir est plutôt dans la recherche sur les cellules souches embryonnaires qui sont conservées dans notre moelle osseuse, de la naissance jusqu’à la mort. Elles ne suscitent pas de problèmes éthiques, tout le monde en a, et elles ne semblent pas donner de tumeurs", conclut le professeur.
D'autres axes de recherche externes se développent également. Quelques semaines après une expérience qui a permis de faire se développer jusqu'à 20 jours un embryon hybride humain-singe à partir de cellules souches, des scientifiques d'Exeter en Grande-Bretagne ont annoncé début mai être parvenus à recréer, eux aussi à partir de cellules-souches, la structure précoce de l'embryon humain. Ces travaux ont été publiés dans la revue Cell Stem Cell.