A travers son blog, à partir de ses nombreux messages sur les réseaux sociaux livrés ces dernières semaines, au long de ses ultimes interviews, Axel Kahn aura éclairé de ses leçons de sérénité ce qu'il appelait lui-même, à l'occasion de sa participation en décembre 2019 à une émission pour notre média professionnel "Fréquence Médicale" "le tunnel extrêmement noir du parcours du patient cancéreux". L'ancien président de la Ligue contre le cancer -responsabilité dont il avait démissionné en mai dernier- est décédé de la maladie qui était au coeur de sa pratique et de ses combats.
C'est un communiqué de la Ligue qui a annoncé le 6 juillet la disparition à 76 ans du médecin, généticien et essayiste qui avait lui-même déclaré en quittant la présidence de cette association qu'il était "frappé par un cancer qui s'est aggravé récemment". Il n'a rien caché non plus de sa lutte contre la maladie et de sa fin prochaine tout au long de ces dernières semaines à travers d'émouvant propos remplis de philosophie et de sagesse.
Des responsabilités prestigieuses
C'est un grand personnage du monde des sciences et de la santé qui s'en va, laissant derrière lui les fruits d'un parcours qui a porté ce docteur en médecine et docteur es-sciences jusqu'aux responsabilités les plus prestigieuses : avant de présider la Ligue contre le cancer, il avait été à la tête du Comité national consultatif d'éthique, de l'université Paris-Descartes et de la Commission du génie biomoléculaire. Spécialiste de la génétique, il a mené des travaux, notamment en thérapie génique, faisant l'objet de plusieurs centaines de publications dans des revues internationales. Et pourtant c'est une forme de hasard qui a conduit le Professeur Axel Kahn vers ses études médicales et scientifiques. Un frère aîné formé aux sciences humaines, le journaliste Jean-François Kahn, un autre frère étudiant en chimie, il ne restait aux yeux du "petit dernier" que le choix d'une "science semi-molle, la médecine".
Mais c'est autour d'un événement familial douloureux que ce médecin généticien a construit sa philosophie et ses règles de vie. Le suicide de son père, Jean Kahn, alors qu'Axel Kahn n'avait que 26 ans l'a laissé dépositaire d'un message qu'il qualifiait lui-même d'"extrêmement vague" : "Sois raisonnable et humain", lui aurait confié le philosophe au moment de se donner la mort.
Accompagner les malades du cancer
Humain, il le fut à coup sûr et tout particulièrement dans sa mission de président de la Ligue contre le cancer, déterminé à faire en sorte que les patients ne soient pas réduits à leur seule condition de malades mais qu'ils puissent être aussi accompagnés dans leur dimension personnelle et sociale. "Il y a tant à faire pour aider les malades du cancer", réaffirmait-il en décembre 2019 dans un débat sur les évolutions dans la prise en charge de cette maladie. Quant à la raison, si elle a accompagné sa réflexion de scientifique, elle ne l'a pas privé d'un caractère affirmé. D'abord en revendiquant, adolescent, son éloignement de la foi catholique en réaction à ses enseignants jésuites, ensuite en prenant, tout au long de sa vie des positions tranchées y compris sur les sujets les plus sensibles comme celui des organismes génétiquement modifiés, les thérapies géniques ou la PMA.
A l'annonce de son décès, les hommages sont venus de partout. "Une vie qui avait valeur d'exemple", a déclaré le premier Ministre Jean Castex. "Il a éclairé de sa connaissance et de son humanisme les grands débats éthiques qui traversent notre société", a souligné pour la part le Républicain Michel Barnier. Mais c'est sans doute Axel Kahn lui-même dans un de ses derniers messages, qui aura trouvé les mots de l'épitaphe qui décrit le mieux son existence intense : "Une vie riche et belle connait une issue qui en fait partie, comme la ponctuation finale d'une belle histoire".