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Quête d'immortalité

Google veut devenir moteur dans la recherche sur le vieillissement

Par Arnaud Aubry

Google crée Calico, une entreprise qui luttera contre le vieillissement. Dans sa quête d'immortalité, le géant américain a deux atouts : ses finances et sa capacité à traiter un nombre astronomique de données.  

Paul Sakuma/AP/SIPA

Google, plus fort que la mort ? C'est l'ambition qui se dégage de la création de Calico, une entreprise lancée par le géant de l'Internet et qui a pour objectif de s'attaquer « à la santé, au bien-être et plus particulièrement au défi du vieillissement et des maladies associées ». 

Si Google est connu pour la recherche sur Internet, la cartographie, les emails et la publicité ciblée, qui sont son cœur de métier, la firme de Moutain View s'est également illustrée dernièrement par son désir d'innovations tous azimuts, du « wearable computing » (les vêtements intelligents) comme les Google Glasses, aux voitures qui se conduisent toutes seules. Mais cette fois-ci, Larry Page, le co-fondateur et PDG de Google, s'est fixé un objectif bien plus ambitieux : défier la mort. Interviewé par Time Magazine, qui fait sa Une sur le sujet, Larry Page explique que Calico est envisagé comme un investissement à long terme : « Je ne propose pas de dépenser tout notre argent sur des choses spéculatives, mais nous devrions dépenser l'équivalent de ce que les entreprises normales allouent en recherche et développement sur des projets à plus long terme et un peu plus ambitieux.»

"C'est d'abord une affaire d'informatique"       

Si l'on sait que Google est assis sur 54 milliards de dollars de trésorerie - ce qui permet tous les espoirs -, reste à savoir de quelle manière Google va pouvoir faire progresser la connaissance du vieillissement. Pour Laurent Alexandre, chirurgien urologue à l'origine de Doctissimo et fondateur de l'entreprise de décryptage de l'ADN DNA Vision, la réponse est une évidence : « La lutte contre la mort, c'est d'abord une affaire d'informatique. Dans les années qui viennent, la médecine va devenir de plus en plus le monopole des acteurs du big data, c'est à dire des entreprises capables de faire des corrélations entre des milliards de donnés. Et le plus en avance dans la techno-médecine, c'est Google.»

 

Ecoutez Alexandre Mignon, professeur de médecine, anesthésiste réanimateur et directeur de iLUMENS. « Calico pourrait permettre une meilleure compréhension des molécules impliquées dans le vieillissement et bloquer les signaux du vieillissement. » 

 

 

Si Google ne s'est pas étendu sur le futur fonctionnement de Calico, ni sur son financement pour l'instant, le New York Times - qui a réussi à interviewer Arthur Levinson, l'ancien patron de Genentech, une des pionniers des biotechnologies, et qui sera à la tête de Calico - explique que les dans les premiers temps, les recherches de Calico seront faites en finançant des chercheurs universitaires, même s'il est possible que Calico engage ses propres chercheurs à terme. 

S'attaquer non pas à une, mais à toutes les maladies

Reste à savoir à quelles maladies veut s'attaquer Google. Dans l'article de Time Magazine, Larry Page explique placidement que "résoudre" le cancer n'est pas forcément une ambition majeure du groupe : « Si on résout le cancer, on ajoute environ trois ans à l'espérance de vie moyenne. On pense que résoudre le cancer pourrait changer le monde, mais quand on prend un peu de distance, on voit qu'il y a énormément de cas tragiques de cancer, et c'est très triste, mais que globalement, ce ne serait pas une si grande avancée que ça.» 

 

Si la citation peut paraître radicale, il y a une explication. Google va aller « au-delà de la médecine traditionnelle. L’ingénierie cellulaire va dépasser la lutte contre les maladies individuelles », explique Laurent Alexandre. En clair, l'objectif de Google n'est pas de soigner une maladie en particulier, mais de les soigner toutes.


Des données de santé à la merci de Google

Rien de philanthropique néanmoins chez la firme de Mountain View. L'industrie de la lutte contre le vieillissement aurait rapporté 1,6 milliards de dollars en 2012 et pourrait même rapporter jusqu'à 20 milliards d'ici 2025. Il est donc probable que Google veuille sa part du gâteau.

Ecoutez Alexandre Mignon, professeur de médecine, anesthésiste réanimateur et directeur de iLUMENS. « Qu'il y ait de l'argent et que la santé devienne demain un immense secteur d'activités économiques, c'est une évidence.»

 


Reste néanmoins un point négatif : les dernières révélations d'Edward Snowden dans le cadre de l'affaire PRISM et de l'espionnage de la NSA nous ont appris que les géants de l'informatique, dont Google, avaient livré aux services de renseignements américains les données de leurs utilisateurs. Il est donc légitime de craindre que Google puissent être contraint de faire de même concernant les données médicales. Pour Laurent Alexandre, le choix est simple : « Soit vous ferez confiance à Google et vous vivrez plus longtemps, quitte à ce que la CIA regarde vos données personnelles de santé, soit vous vivrez tout simplement moins longtemps.»