À mesure que nous vieillissons, notre cerveau subit généralement un lent processus d'atrophie, conduisant à une communication moins robuste entre les différentes régions du cerveau, ce qui entraîne une diminution de la mémoire et d'autres fonctions cognitives. Mais certains, surnommés les “super vieux”, parviennent à résister au déclin cognitif. Pour comprendre ce que cela signifie concrètement dans le cerveau, des chercheurs américains du Massachusetts General Hospital (MGH) ont étudié leur cerveau et identifié l'activité cérébrale en cause. Ils ont présenté leurs résultats le 30 juin dans la revue Cerebral Cortex.
Des images en action du cerveau des “super vieux”
Dans des études précédentes des chercheurs se sont déjà penchés sur le cas de ces “super vieux”. Une recherche, parue le 11 décembre dans le JAMA Network, a révélé l’importance des gènes qui les aideraient à repousser l’accumulation de protéines dans le cerveau. Dans la nouvelle recherche parue le 30 juin, les chercheurs ont souhaité observer leur activité cérébrale en action pour comprendre les mécanismes en action. “C'est la première fois que nous avons des images du fonctionnement du cerveau des ‘super vieux’ alors qu'ils apprennent et se souviennent activement de nouvelles informations”, assure Alexandra Touroutoglou, autrice principale de l’étude.
Les chercheurs ont soumis à 40 adultes d'un âge moyen de 67 ans un test de mémoire très difficile pendant que leur cerveau était scanné à l'aide d'une imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), qui, contrairement à l'IRM typique, montre l'activité de différentes zones du cerveau pendant les tâches. En parallèle, 41 jeunes adultes de 25 ans en moyenne ont passé le même test de mémoire pendant que leur cerveau était imagé.
Le cortex visuel
L’exercice a d’abord consisté au visionnage de 80 images de visages ou de scènes associées chacune à un adjectif, comme un paysage urbain associé au mot “industriel” ou un visage masculin associé au mot “moyen”. Leur première tâche consistait à déterminer si le mot correspondait à l'image, un processus appelé encodage. Après 10 minutes, les participants se sont vu présenter les 80 paires de mots-images qu'ils venaient d'apprendre, 40 paires supplémentaires de nouveaux mots et images et 40 paires réarrangées composées de mots et d'images qu'ils avaient vues précédemment. Leur deuxième tâche consistait à se rappeler s'ils avaient déjà vu chaque paire mot-image spécifique, ou s'ils regardaient une paire nouvelle ou réarrangée.
Pendant que les participants étaient dans le scanner, les chercheurs ont porté une attention particulière au cortex visuel, qui est la zone du cerveau qui traite les images et qui est particulièrement sensible au vieillissement. “Dans le cortex visuel, il existe des populations de neurones qui sont sélectivement impliquées dans le traitement de différentes catégories d'images, telles que des visages, des maisons ou des scènes, détaille Yuta Katsumi, auteur de l’étude. Cette fonction sélective de chaque groupe de neurones les rend plus efficaces pour traiter ce que vous voyez et créer une mémoire distincte de ces images, qui peuvent ensuite être facilement récupérées.”
Aucune distinction avec le cerveau des jeunes de 25 ans
Au cours du vieillissement, cette sélectivité, appelée différenciation neuronale, diminue et le groupe de neurones qui répondaient autrefois principalement aux visages s'active pour d'autres images. Le cerveau a maintenant du mal à créer des modèles d'activation neuronale uniques pour différents types d'images, ce qui signifie qu'il fait des représentations mentales moins distinctives de ce que la personne voit. C'est l'une des raisons pour lesquelles les personnes âgées ont du mal à se rappeler quand elles ont peut-être vu une émission de télévision, lu un article ou mangé un repas spécifique.
Les résultats des scanners des personnes âgées ont révélé que leurs performances ne se distinguent pas de celles des jeunes de 25 ans. Le cortex visuel de leur cerveau maintien des schémas d'activité juvéniles. “Les ‘supervieux’ pont maintenu le même niveau élevé de différenciation neuronale, ou de sélectivité, que les jeunes adultes, poursuit Katsumi. Leur cerveau leur a permis de créer des représentations distinctes des différentes catégories d'informations visuelles afin qu'ils puissent se souvenir avec précision des paires image-mot.”