- 33% des joueurs ont augmenté les sommes habituellement consacrées aux jeux d'argent depuis le début de la crise sanitaire.
- Trois quarts des parieurs sportifs ont moins de 34 ans. Les jeunes sont six fois plus susceptibles de développer une addiction.
- Deux tiers des mises proviennent de joueurs en situation de précarité.
Dans le cadre de l’Euro 2021, les publicités pour les paris sportifs ont été omniprésentes. Et alors que 40% des revenus des opérateurs de jeux d’argent proviennent de personnes souffrant d’addictions, Addictions France appelle à une " loi Evin pour le jeu".
Dans les transports en commun, à la télévision, dans la rue : les publicités pour les paris sportifs sont partout, à la vue des adultes, des enfants et des adolescents. Selon des relevés opérés par une équipe d’Addictions France, ces publicités ont représenté jusqu’à 40% des affiches publicitaires dans les stations de métro à Paris et petite couronne et plus d’un quart des publicités télévisées avant les matches de foot de l’Euro 2021 et pendant la mi-temps.
"Les jeunes des quartiers populaires sont ciblés"
"On constate que beaucoup de publicités pour les paris sportifs ciblent les jeunes des quartiers populaires et véhiculent l’idée que les paris pourraient représenter une source importante de revenus", analyse Addictions France dans un communiqué. Pourtant, l’association S.O.S. Joueurs alerte : tous jeux d’argent confondus, 70,3% des joueurs sont endettés auprès des banques. "Si derrière cette addiction aux paris et aux jeux en général se cachent plusieurs facteurs sociaux-environnementaux, le rôle de la publicité n’est pas anodin", poursuit Addictions France.
Addictions France dénonce donc les messages publicitaires incitant aux comportements addictifs. Sont notamment contestables, selon elle :
- les slogans de type “No bet, no game” ou “Les matchs deviennent trop intenses” de Betclic qui insinuent qu'un pari est nécessaire pour apprécier un match.
- Le marketing émotionnel dans la publicité "Tout pour la daronne " de Winamax, conçu pour toucher un public de " jeunes" qui pourraient " remercier leur mère" en leur remettant un cadeau issu des sommes gagnées.
- Les offres promotionnelles sous forme de centaine(s) d’euros de " paris gratuits", incitant à parier plusieurs fois, en laissant entrevoir la possibilité de " se refaire", soit de gagner plus après avoir perdu. "C’est un mécanisme caractéristique de l’addiction au jeu", commentent les addictologues.
"Pour une Loi Evin spécifique aux jeux d’argent"
"La réglementation en vigueur n’est pas suffisamment contraignante pour réguler les pratiques des opérateurs plus intéressés par leur chiffre d’affaires que par les enjeux de santé publique", estiment les militants. Ils ajoutent que "cette réglementation repose sur des termes très généraux qui rappellent ceux employés dans les codes d’auto-régulation élaborés par les alcooliers pour promouvoir leurs produits : brillant par leur permissivité, ils permettent la diffusion de publicités contraires aux objectifs de santé publique fixés par la loi Evin".
L’Autorité Nationale des Jeux contrôle les stratégies de communication des opérateurs avant leur diffusion, mais elle ne peut imposer le retrait des publicités illégales qu’après la diffusion initiale. "Du reste, le texte n’est pas appliqué : le slogan « Grosse cote, gros gain, gros respect » de Winamax a été massivement diffusé, alors que la notion de “gros respect”, qui laisse entendre une réussite sociale par le pari, est illégale. Il est donc nécessaire d’assurer son contrôle effectif", argumente l’association.
Addictions France appelle dès lors à l’adoption d’une "loi Evin pour le jeu". Appliquée et adaptée aux jeux d’argent (dont les paris sportifs), cette loi pourrait permettre :
- d'interdire la diffusion de ces publicités dans les médias que les mineurs sont amenés à consommer régulièrement (la télévision, la radio, les réseaux sociaux).
- D'interdire tout affichage aux alentours des établissements scolaires, universitaires et sportifs.
- D'encadrer strictement les offres promotionnelles.
- De définir le contenu des publicités et supprimer les messages purement subjectifs (liés au plaisir unique de jouer, à la fête, aux dons issus des gains...).
"En Espagne et en Italie, des mesures ont déjà été prises pour limiter ces publicités", constatent les professionnels de santé. Addictions France, "sans juger les joueurs et sans prôner une prohibition de ces paris", appelle donc les parlementaires à se saisir du sujet afin d’encadrer leur publicité et ainsi contribuer aux objectifs de santé publique en matière de lutte contre les pratiques addictives.