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Pradaxa, Eliquis, Xarelto

Nouveaux anticoagulants : l'Ansm conteste l'alerte de biologistes

Par Afsané Sabouhi

Dans une lettre ouverte à la ministre de la Santé, le syndicat des jeunes biologistes s’inquiète des nouveaux traitements prescrits à des milliers de Français en prévention de la thrombose.

DURAND FLORENCE/SIPA

Le syndicat des jeunes biologistes médicaux a adressé mardi un courrier très alarmiste à la ministre de la Santé sur les risques des nouveaux médicaments prescrits aux patients à risque de thrombose. Faute d’antidote connu, « en l’état actuel des connaissances médicales, leur usage revient pour les patients à jouer à la roulette russe », dénoncent les biologistes, évoquant un scandale à venir de l’ampleur de celui du Mediator. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et les cardiologues ne comprennent pas cette alerte soudaine et s’inquiètent bien plus pour les patients affolés qui risquent l’accident vasculaire cérébral en cas d’interruption brutale de leur traitement.

A quoi servent les anti-coagulants ?

Dans le jargon des cardiologues, les nouveaux anti-coagulants oraux, ce sont les NACOs. Ils s’appellent Pradaxa, Xarelto et Eliquis et sont apparus sur le marché français fin 2011. Ces médicaments empêchent le sang de former des caillots, ils sont donc indiqués dans la prévention des phlébites (par exemple après une intervention chirurgicale), des embolies ou des accidents vasculaires cérébraux.

Avant l’arrivée sur le marché de ces nouvelles molécules, la prévention de la thrombose était assurée par une autre classe de médicaments : les anti-vitamine K. Ils sont très efficaces mais nécessitent une surveillance très étroite de la coagulation avec une prise de sang tous les 15 jours. L’avantage des nouveaux anti-coagulants comme Pradaxa, Xarelto et Eliquis est de ne plus nécessiter ce suivi biologique si régulier. Ce qui explique peut-être en partie l’inquiétude des biologistes qui perdent ainsi une grosse part de leur activité.

 

Que reprochent les biologistes à ces nouveaux médicaments ?

Tout d’abord, leur prix. « Le coût mensuel du traitement par NACOs est de 76 euros à comparer aux 12,5 euros en moyenne pour les anciens anti-vitamine K », chiffrent les biologistes.

Les NACOs et les anti-vitamine K servant à fluidifier le sang, ils exposent logiquement à un risque d’hémorragie, qui est connu et très surveillé. Les hémorragies sous anti-vitamine K constituent d’ailleurs la 1e cause d’hospitalisation liée aux médicaments en France. Les essais cliniques des 3 nouveaux anticoagulants et des données américaines récentes montrent qu'ils exposent à un peu moins d’hémorragies que les anciennes molécules. Mais aux yeux des biologistes, les NACOs ont un autre défaut majeur : on ne leur connaît pas encore d’antidote. Autrement dit, on ne sait pas comment stopper leur effet fluidifiant si jamais la personne a besoin d’une chirurgie en urgence par exemple.
« Mais le fait de ne pas encore disposer d’antidote pour ces nouveaux médicaments, ce n’est pas comme sauter dans le vide sans parachute, il y a d’autres éléments de sécurité, insiste Lotfi Boudali, responsable du pôle cardiologie à l’ANSM. Autant l’antidote est très important avec les anti-vitamine K qui ont une durée d’action sur la coagulation de plusieurs jours, autant il est moins indispensable pour les NACOs que l’organisme élimine beaucoup plus rapidement.

Le syndicat des jeunes biologistes évoque enfin un « boom des NACOs » et s’inquiète d’un dérapage des prescriptions, les nouvelles molécules étant de plus en plus systématiquement préférées aux anti-vitamine K, sans suivre les recommandations.

Ecoutez le Dr Thomas Vallotton, du syndicat des jeunes biologistes médicaux : « Au dernier trimestre 2012, 100 000 personnes ont été mises sous anticoagulants et 57% d’emblée sous les nouveaux anticoagulants »


Même si elle a adressé la semaine dernière à tous les médecins et pharmaciens une lettre de mise en garde sur les facteurs de risque hémorragique des nouveaux anticoagulants oraux, l’ANSM réfute toute tendance de dérapage des prescriptions. « Ce courrier aux professionnels de santé était une décision européenne visant à leur rappeler que ces médicaments sont à manier avec précaution et que leur bon usage est la pierre angulaire de la minimisation du risque d’hémorragie. Mais ce n’est absolument pas en réaction à une crise qui couve », assure Lofti Boudali, le responsable du pôle cardiologie. Si elle ne partage visiblement pas les inquiétudes des biologistes, l’ANSM est en revanche très préoccupée par les possibles conséquences de cette alerte largement médiatisée aujourd’hui.

Ecoutez Lofti Boudali, responsable du pôle cardiologie de l’ANSM : « Surtout n’arrêtez pas votre traitement anticoagulant sans avis médical, le risque d’AVC est trop important ! »