ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Comment éviter la chimiothérapie de trop

Traitement des cancers

Comment éviter la chimiothérapie de trop

Par Mathias Germain

L'impuissance des médecins face à certaines situations, la pression des patients atteints de cancer peuvent conduire à prescrire une chimiothérapie inutile. Elle serait inappropriée dans un cas sur cinq.

 Un institut anglais, indépendant du National Health Service, s'est penché sur le cas des patients décédés dans le mois suivant une chimiothérapie. Traités dans des centres spécialisés, des hôpitaux universitaires ou généraux, ces malades avaient en majorité entre 60 et 75 ans. La plupart étaient atteints de cancers du poumon, du sein, du côlon. 1044 dossiers ont été étudiés à l'aune des standards médicaux en vigueur. Le résultat de l'étude est sévère. Dans un cas sur cinq, les experts ont considéré que l'indication d'une dernière ligne de chimiothérapie était inappropriée, voire dangereuse puisque que 27 % d'entre elles auraient aggravé l'état du patient.

Qu'en est-il en France ? « Le système britannique est très différent de notre système, rappelle le Pr Nicolas Daly-Schveitzer, oncologue à Toulouse, qui a commenté cette étude anglaise sur son blog (oncopital). En effet, Outre-Manche, les autorités publiques ont privilégié le développement des strucutres palliatives et réduit les services de soins aigus. « Cependant, rien ne permet de penser que les résultats seraient meilleurs en France, souligne le Pr Daly-Schveitzer. Aucune étude comparable n'a été effectuée à l'échelle nationale. Saluons le courage et la franchise de nos confrères britanniques et essayons de les imiter dans leur souci de transparence ».


Pour éviter la chimiothérapie inutile, certains spécialistes français s'interrogent. « Analyser le temps entre l'arrêt de la chimiothérapie et le décès est un bon moyen de porter un regard sur ce qu'on a fait et d'éviter la chimiothérapie de trop», estime de son côté le Pr François Goldwasser, responsable de l'unité d'oncologie médicale à l'hôpital Cochin (AP-HP), qui mène une étude prospective auprès de 800 cas.

Selon lui, les services ont globalement tendance à pratiquer des chimiothérapies à répétition. Un constat partagé par les associations spécialisées dans l'accompagnement de la fin de vie. « Les médecins ont du mal à accepter l'impuissance à guérir, c'est compréhensible, mais cela peut conduire à des traitements disproportionnés », témoigne Paulette Le Lann, présidente de l'association JALMALV. « Sans oublier que la famille et le patient font aussi pression pour bénéficier d'un ultime traitement, c'est humain. »

Depuis le plan cancer de 2003 en France, les réunions de concertation pluridisciplinaire sont devenues obligatoires, notamment pour le diagnostic et la mise en place du traitement. « Mais à l'approche de la fin de vie, l'oncologue se retrouve souvent seul, avec pour seul moyen face à la désepérance du patient, son arme thérapeutique, regrette le Pr Goldwasser. « La clé, c'est d'introduire dès la consultation initiale le fait que la chimiothérapie ne représente pas tout le traitement de la maladie, et de faire participer précocément les collègues de médecine palliative dans la prise en charge. »


En France, les chimiothérapies sont en constante augmentation. L'Institut national du cancer (INCa) a comptabilisé 1 898 902 séances en 2007, pour un montant de 787 millions d'euros. « Ceci s'explique par le vieillissement de la population, et aussi par le développement de nouvelles thérapies plus ciblées, avec des effets secondaires moins agressifs, explique le Dr Natalie Hoog-Labouret, responsable du département « Médicaments, cancérologie pédiatrique et nouvelles techniques » à l'INCa. L'Institut national du cancer veille à la diffusion des règles de bon usage dans les établissements.

D'autres cancérologues français soulignent les bénéfices indéniables apportés par la chimiothérapie. Les représentants des patients partagent ce point de vue, et fondent beaucoup d'espoir sur les traitements de plus en plus ciblés. « En matière de cancer du sein, les patientes françaises ont un taux de survie de 20 % supérieur aux Anglaises », rappelle Nicole Alby, présidente d'honneur d'Europa Donna.