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Immunité

Covid-19 : les formes sévères dues à une mauvaise réponse antivirale dans le nasopharynx

Par Charlotte Arce

Contrairement aux personnes légèrement symptomatiques, les patients développant une forme sévère de Covid-19 présentent une réponse immunitaire défaillante au niveau du nasopharynx.

PatrikSlezak/iStock
Contrairement aux patients développant des formes légères à modérées de la maladie, les personnes touchées par une forme sévère de la Covid-19 présentent une réponse immunitaire précoce défaillante au niveau du nasopharynx.
Le nombre de cellules ciliées matures, qui balaient les voient respiratoire, diminue, tandis que le nombre de macrophages augmente, ce qui renforce les réponses inflammatoires.

Comment expliquer que, parmi les patients infectés à la Covid-19, certains développent une forme sévère de la maladie, tandis que d’autres sont peu symptomatiques, voire totalement sans symptômes ?

Une nouvelle étude publiée dans la revue Cell apporte une réponse : tout se jouerait au niveau du nasopharynx, c’est-à-dire derrière le nez, dans la partie supérieure du pharynx, au-dessous de la base du crâne et au-dessus du voile du palais. Précisément là où l’écouvillon vient prélever des cellules quand on effectue un test RT-PCR.

Des changements dans les cellules épithéliales après l’infection

La première rencontre de l'organisme avec le SARS-CoV-2, le virus à l'origine de la Covid-19, a lieu dans le nez et la gorge, ou dans le nasopharynx.

S'appuyant sur les travaux publiés l'année dernière qui identifient les cellules sensibles au SARS-CoV-2, une équipe de chercheurs du Boston Children's Hospital, du MIT et du centre médical de l'université du Mississippi montre que c’est dans le nasopharynx que se joue la bataille immunitaire contre la Covid-19. "La raison pour laquelle certaines personnes sont plus malades que d'autres est l'un des aspects les plus déroutants de ce virus depuis le début, explique José Ordovás-Montañés, co-auteur. De nombreuses études à la recherche de prédicteurs de risque ont cherché des signatures dans le sang, mais le sang n'est peut-être pas vraiment le bon endroit où chercher."

Les chercheurs ont obtenu des échantillons à partir des écouvillons nasaux de 35 adultes atteints de la maladie entre avril et septembre 2020, allant de personnes légèrement symptomatiques à des personnes gravement malades. Ils ont également obtenu des écouvillons de 17 sujets témoins et de six patients intubés mais non atteints de la Covid-19.

Pour obtenir une image détaillée de ce qui se passe dans le nasopharynx, les chercheurs ont séquencé l'ARN de chaque cellule, une cellule à la fois. Un travail long car chaque écouvillon de patient a donné en moyenne 562 cellules. Les données relatives à l'ARN ont permis à l'équipe de déterminer avec précision les cellules présentes, celles qui contenaient de l'ARN provenant du virus - un signe d'infection - et les gènes que les cellules activaient et désactivaient en réponse.

Les résultats ont montré que les cellules épithéliales qui tapissent le nez et la gorge subissent des changements majeurs en présence du coronavirus. Les chercheurs ont notamment constaté une augmentation des cellules sécrétoires et des cellules en gobelet produisant du mucus. Parallèlement, le nombre de cellules ciliées matures, qui balaient les voies respiratoires, diminuent, tandis que le nombre de cellules ciliées immatures (qui tentent peut-être de compenser) augmente.

Par ailleurs, l’ARN du SARS-CoV-2 a été retrouvé dans ces divers types de cellules. Les cellules infectées, comparées aux cellules "passagères" non infectées, présentaient un plus grand nombre de gènes activés qui sont impliqués dans une réponse productive à l'infection.

Une réponse immunitaire précoce défaillante

La principale découverte a été faite lorsque l'équipe a comparé des écouvillons nasopharyngés provenant de personnes atteintes de la Covid-19 à des degrés divers. Chez les personnes atteintes d’une forme légère ou modérée de la maladie, les cellules épithéliales présentaient une activation accrue des gènes impliqués dans les réponses antivirales. Mais, chez les personnes ayant développé une forme grave, nécessitant une ventilation mécanique, les réponses antivirales étaient bien moins fortes. Leurs prélèvements présentaient aussi un nombre accru de macrophages et d'autres cellules immunitaires qui renforcent les réponses inflammatoires.

"Toutes les personnes atteintes d'une forme sévère de Covid-19 ont eu une réponse émoussée à l'interféron dès le début dans leurs cellules épithéliales, et n'ont jamais été en mesure de développer une défense, explique le Pr Ordovás-Montañés. Disposer de la bonne quantité d'interféron au bon moment pourrait être au cœur de la lutte contre le SRAS-CoV-2 et d'autres virus."

Augmenter la réponse immunitaire grâce à un spray nasal ?

Les chercheurs prévoient désormais d'étudier les causes de l'atténuation de la réponse immunitaire dans le nasopharynx. Ils souhaitent aussi savoir s’il est possible d’augmenter la réponse antivirale chez les personnes présentant une infection précoce, en utilisant par exemple un spray ou des gouttes nasales.

Ils étudieront également la possibilité d'augmenter la réponse en interféron chez les personnes présentant une infection précoce par la Covid-19, peut-être à l'aide d'un spray ou de gouttes nasales.