- Ce phénomène serait lié à une diminution du taux d'acide gamma-aminobutyrique, un neurotransmetteur inhibiteur.
- Sans GABA, nos réponses émotionnelles ou nos pensées s’amplifieraient, sans contrôle.
Environ un tiers des adultes (30%) souffrent de douleurs chroniques selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Celles-ci peuvent être liées à une pathologie, à des problèmes articulaires, musculaires, des migraines, etc. Elles sont dites chroniques quand elles durent plus de trois mois. Dans ce cas, elles ne sont plus un symptôme mais deviennent une maladie à part entière. À long terme, cette souffrance peut évidemment impacter la vie quotidienne - aussi bien personnelle que professionnelle - et avoir des conséquences psychologiques. Une étude récemment publiée dans la revue European Journal of Pain le confirme : selon les chercheurs, la douleur chronique et l’état dépressif seraient liés car la souffrance à long terme perturberait le fonctionnement chimique d’une partie du cerveau impliquée dans l’humeur.
GABA : des neurotransmetteurs indispensables à la signalisation cérébrale
“La douleur chronique est plus qu’une sensation affreuse, explique Sylvia Gustin, neuroscientifique et psychologue à l’université de Nouvelle-Galles du Sud et à NeuRA, un institut de recherche neurologique en Australie, et l’une des autrices de cette étude. Elle peut affecter nos sentiments, nos croyances et notre façon d’être”.
L’objectif de cette étude était donc de mieux comprendre la corrélation entre l’aspect physique de la douleur et ses répercussions psychologiques. Pour cela, les scientifiques ont analysé les scanners cérébraux de 48 volontaires souffrants ou non de douleurs chroniques. Ainsi, ils voulaient observer les taux d'acide gamma-aminobutyrique (GABA) de chacuns. GABA est un type de neurotransmetteurs dits “inhibiteurs” qui contrôle l’activité neuronale dans l’ensemble du système nerveux. Son rôle est donc crucial au bon fonctionnement de la signalisation cérébrale.
Sans GABA, pas de contrôle de nos pensées ou de nos émotions
Lorsque le taux de GABA équivaut à celui du glutamate - un neurotransmetteur stimulant -, les émotions d’un individu sont bénéfiques, c’est-à-dire qu’elles le motivent, sans lui causer trop de stress. Les chercheurs savaient déjà que la quantité de glutamate baissait lorsqu’un individu souffrait de douleurs chroniques. En parallèle, celui-ci subissait aussi un dérèglement émotionnel important.
L’avancée de cette étude est d’avoir réussi à prouver que la douleur chronique était associée à une diminution du taux de GABA. Autrement dit : la souffrance physique entraîne de l’anxiété parce que le nombre de GABA baisse. En effet, d’après les scanners cérébraux analysés, les niveaux de GABA étaient très différents en fonction des douleurs chroniques. Plus inquiétant, les chercheurs estiment également que la douleur chronique - donc sur un temps long - pourrait affecter durablement la façon dont notre cerveau traite les émotions, en diminuant les mesures inhibitrices. Ainsi, sans GABA, nos réponses émotionnelles ou nos pensées s’amplifieraient, sans contrôle.
L’espoir d’une meilleure prise en charge pour ces patients
“Nous avons montré, pour la première fois chez l’humain, que la douleur continue est associée à une diminution du GABA, un neurotransmetteur inhibiteur dans le cortex préfrontal médian. En d’autres termes, il y a un changement pathologique réel qui se produit”, développe Sylvia Gustin. À terme, cette étude pourrait permettre aux chercheurs de mieux comprendre le cerveau afin, dans l’idéal, d’améliorer la prise en charge des personnes souffrant de dépression liée à la douleur chronique.