La technologie de l’ARN messager, utilisée dans les vaccins anti-Covid de Pfizer et Moderna, pourrait bientôt voir son application s‘étendre à d’autres maladies. Étudiée dans le cadre de la lutte contre le cancer, elle pourrait également être utilisée contre le VIH. L’entreprise américaine Moderna travaille en ce sens et a annoncé lancer ce jeudi la première phase d’essai clinique pour tester un vaccin contre cette maladie qui tue environ un million de personnes chaque année.
Des résultats attendus en avril 2023
Moderna a développé deux candidats vaccins contre le VIH, baptisés ARNm-1644 et ARNm-1644v2-Core. Ils ont tous les deux déjà passé les premiers tests de sécurité afin de pouvoir être utilisés sur des humains à l'occasion d'essais cliniques. L’objet de cette première phase de test est d’évaluer la sécurité du vaccin, c'est-à-dire qu’il ne déclenche pas d’effets secondaires dangereux, et qu’il enclenche une réponse immunitaire efficace avec la production d’anticorps protecteurs durables.
Cette phase est prévue pour durer deux ans, jusqu’en avril 2023, et va porter sur 56 personnes séronégatives âgées de 18 à 50 ans, renseigne le site américain ClinicalTrials qui recense les essais en cours. Si les résultats se révèlent concluants, les phases 2 et 3 pourront être enclenchées. Celles-ci viseront à observer l’effet du candidat-vaccin sur un plus important panel de personnes.
Un délai plus long que pour les vaccins anti-Covid
La différence de durée des essais pour ce vaccin par rapport à celui contre la Covid-19 s’explique notamment par le fait que le virus du VIH est plus difficile à cibler que celui du coronavirus qui est relativement connu et compris par les scientifiques. Sa capacité à se mettre en dormance dans la cellule infectée et à se réactiver à tout moment est l’un des points de blocage. Le financement massif et rapide de la recherche pour les vaccins anti-Covid a également permis de gagner en efficacité.
L’ARN messager, c’est quoi ?
L’ARN messager, ARNm ou acide ribonucléique message, désigne la copie faite d'un morceau d'ADN d'un ou plusieurs gènes. Comme le décrit l’Inserm, nos cellules ont besoin de protéines pour fonctionner. Les plans de fabrication de ces protéines – nos gènes - sont “gardés bien à l’abri, à l’intérieur du noyau cellulaire”. Or, les usines qui synthétisent les protéines – les ribosomes – sont quant à elles situées à l’extérieur de ce noyau. “Dès lors, la fabrication des protéines n’est pas réalisée à partir des plans originaux, mais en s’appuyant sur leur ‘duplicata’ : les ARN messagers”, poursuit l’Inserm. Les ARNm sont donc des molécules chargées de transmettre l’information codée dans notre génome, pour permettre la synthèse des protéines nécessaires au fonctionnement de nos cellules. “Lorsqu’une cellule a besoin d’une protéine, le plan de fabrication de cette dernière est ‘photocopié’. La copie ainsi générée – un ARN messager – est ensuite exportée hors du noyau et rejoint les ribosomes où elle permet la synthèse de la protéine demandée. Très instable et fragile, cette copie est ensuite rapidement détruite.”
En observant ce système, des chercheurs ont eu l’idée d’utiliser ces ARN messager pour mettre au point des vaccins, d’habitude basés sur l’administration d’un agent infectieux atténué ou inactivé. “L’objectif est de déclencher une réponse immunitaire dirigée contre le pathogène, associée à la production de cellules mémoires qui nous protégeront en cas d’infection ultérieure. Avec les vaccins à ARN messager, l’idée est de laisser nos cellules fabriquer elles-mêmes le composant contre lequel notre organisme va apprendre à se défendre”, décrypte l’Inserm. Ainsi, on injecte à l’organisme un ARN messager qui correspond au plan de fabrication d’une protéine du virus ciblé contre laquelle l’organisme va s’entraîner à lutter. “L’avantage de cette approche, c’est que les ARN sont bien plus simples et plus rapides à produire que les composants des vaccins ‘classiques’. Son défaut : la fragilité de ces petites molécules d’acide ribonucléique impose de conserver les préparations vaccinales à une température extrêmement basse”, conclut l’Institut.