Notre corps est réglé pour fonctionner de manière synchrone avec un rythme circadien, soit une alternance jour/nuit. Les modifications des modes de vie quotidiens dues notamment au stress peuvent perturber ce cycle pendant de longues périodes. Cette perturbation du rythme circadien se retrouve chez de nombreux patients atteints d’Alzheimer, ce qui a conduit une équipe de chercheurs indiens de l'université Shoolini à mieux comprendre la corrélation entre les deux. Ils ont publié leurs résultats le 24 mai dans la revue ACS Chemical Neuroscience.
Une trop longue exposition à la lumière modifie le rythme circadien
Les chercheurs sont partis de l’hypothèse qu’un rythme circadien perturbé entraîne des modifications dans l’organisme qui favorisent l’apparition d’Alzheimer. “Les cellules de divers organes du corps sont synchronisées avec le cycle jour-nuit, et libèrent différentes substances biochimiques, y compris des hormones d'une manière spécifique dans le temps, précise le professeur Rohit Goyal qui a dirigé l’étude. L'expression intempestive de ces hormones peut déclencher de l'anxiété, des troubles cognitifs et des pertes de mémoire, tous des symptômes de troubles cérébraux que l’on trouve chez les patients atteints d’Alzheimer.”
Dans une étude précédente, l'équipe a signalé que lors d'une exposition chronique à la lumière pendant deux mois, les rats testés ont présenté des déficits cognitifs ainsi qu'une accumulation de plaques amyloïdes β (Aβ), la protéine pathogène connue pour être à l’origine d’Alzheimer. S'appuyant sur ces résultats, ils ont émis l'hypothèse qu'une exposition plus longue à la lumière peut entraîner des perturbations du rythme circadien qui provoquent un dérèglement dans l’organisme. Pour tester cette hypothèse, ils ont exposé des rats adultes à des conditions de lumière constante pendant quatre mois et les ont comparés à des rats soumis à un cycle normal lumière-obscurité pris comme groupe témoin.
Un organisme déréglé
Ces expériences ont révélé que l'exposition chronique à la lumière perturbe l'expression de gènes comme Per2 qui suivent les rythmes circadiens. Les marqueurs du stress oxydatif, comme les peroxiredoxines, se trouvent également dérégulés dans le cerveau des rats, qui est le principal contrôleur des rythmes circadiens dans le corps. Les neurotransmetteurs sont eux aussi dérégulés et présentent une perturbation du rythme circadien due à une exposition chronique à la lumière. De plus, ces animaux ont montré des profils métaboliques perturbés, suggérant que leur système digestif peut également avoir été affecté négativement par les rythmes circadiens perturbés.
En outre, le niveau d'Aβ dans le cerveau s’est trouvé significativement plus élevé chez ces rats par rapport aux témoins. Ils ont subi une régulation négative du gène anti-vieillissement Sirt1 et une régulation positive des marqueurs de dommages neuronaux. Les chercheurs ont également découvert que la perturbation du rythme circadien a provoqué des déficits de mémoire et cognitifs chez les rats.
La fluoxétine peut inverser le processus
Sur la base des résultats ci-dessus, les chercheurs estiment que la fluoxétine, un médicament utilisé pour traiter l'anxiété et l'hyperactivité, pourrait atténuer les anomalies physiologiques et fonctionnelles associées à la perturbation du rythme circadien. Après l’avoir essayé chez les rats, ce traitement a empêché les dommages oxydatifs, l'accumulation d'Aβ et a sauvé la mémoire et les déficits cognitifs.