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Réforme du système de santé

Tiers payant : pourquoi les médecins sont divisés

Par Bruno Martrette

Dans trois ans, tous les Français qui ont une mutuelle ne débourseront plus un centime en allant consulter leur médecin généraliste en secteur 1. La mesure divise les acteurs de la santé.

VALINCO/SIPA

Marisol Touraine, ministre de la Santé, a annoncé la généralisation du tiers payant aux médecins généralistes de secteur 1 d'ici 2017. La mesure dispense d'avance de frais les malades ayant une mutuelle lors d'une consulation chez leur généraliste. Dans ce système, c'est donc la Sécurité sociale et la complémentaire du patient qui paieront directement la consultation au généraliste. L'annonce qui a été faite lundi, lors de la présentation de la stratégie nationale de santé du Gouvernement, est une petite révolution pour les patients, mais aussi pour les différents acteurs du système de santé français qui apparaissent très divisés sur le projet.

Dans le camp des professionnels de santé sceptiques sur la généralisation de ce système, le Dr Michel Chassang. Pour le président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), le premier syndicat de médecine libérale français, cette mesure « risque de correspondre à la fin du paiement à l'acte, l'un des fondements de la médecine libérale. » Selon ce généraliste, « c'est bien souvent l'étape suivante. » 
Par ailleurs, Michel Chassang craint qu'avec tous les régimes de mutuelles existants, la mesure soit difficile à appliquer, en tout cas d'ici 2017...

Ecoutez le Dr Michel Chassang, président de la CSMF : « Les 400 régimes d'assurance complémentaires qui existent aujourd'hui sur le marché rendent pour le médecin qui est dans son cabinet la mission totalement impossible...»



D'autres généralistes ont accueilli favorablement l'annonce. C'est le cas notamment du Dr Claude Leicher, président de MG France, le premier syndicat de médecins libéraux en France. Selon lui, le contexte actuel va dans le sens de cette mesure, « La crise économique aidant, on voit bien aujourd'hui que de plus en plus de patients nous redemandent d'encaisser le chèque après qu'ils aient été remboursés. »
Et ce médecin de rajouter qu'à l'heure actuelle, « plus rien ne s'oppose à ce que cette mesure soit étendue aux médecins généralistes, comme c'est le cas partout ailleurs, dans les hôpitaux ou les pharmacies par exemple. »

Un point de vue que partage également Claude Rambaud, présidente du Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS), une structure qui regroupe 39 associations intervenant dans le champ de la santé. Les médecins généralistes étaient, selon elle, le dernier secteur en souffrance, alors qu'ils restent toujours « les plus sollicités par les patients. »

Ecoutez Claude Rambaud, présidente du CISS : « L'accès aux soins pour tous, c'est l'intérêt de tout le monde. Une société en bonne santé, c'est heureusement l'une des priorités essentielle de la stratégie...»


Pour ou contre,  les acteurs de la santé se divisent également sur l'impact financier d'une telle mesure. Elle va conduire à une inflation du nombre de consultations alors que la Sécu est dans le rouge, s'emportent les détracteurs.
Directeur de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES), Yann Bourgueil, explique pourtant que la généralisation du tiers-payant n'a pas entraîné dans les autres pays une hausse des dépenses de santé. La mesure a plutôt eu pour effet de rééquilibrer le recours aux soins, avec notamment un meilleur accès pour les personnes les plus défavorisées. En clair, des patients retrouveraient grâce au projet, la porte du généraliste. Une consultation à laquelle ils avaient renoncé dans le passé, faute d'argent.

Ecoutez Yann Bourgueil, directeur de l'Irdes : « Les personnes qui bénéficient du tiers-payant ont une hausse de leur recours aux soins. Mais en fait, ce qu'on observe, c'est une consommation qui correspond à un rattrapage de consultation chez les plus pauvres. »



Enfin, toujours selon Yann Bourgueil, la généralisation du tiers-payant a parfois comme conséquence de transformer le médecin en un simple bien de consommation comme les autres, puisque le patient n'aurait plus à débourser le moindre centime lors d'une consultation.

Ecoutez Yann Bourgueil : « Ca peut modifier le façon de recourir au système, d'où l'inquiétude des médecins d'être perçus comme un service que l'on peut consommer. On sait par exemple que dans les centres de santé, beaucoup de rendez-vous ne sont pas honorés...»