- Afficher un prix "juste en dessous", par exemple à 1,99 euro au lieu de 2 euros, donne bien le sentiment aux consommateurs de payer moins cher.
- En revanche, ils sont alors moins enclins à passer à une version plus chère du produit ou du service car ils ont le sentiment d'avoir fait une bonne affaire commerciale, ce qui n'est pas toujours le cas.
- Cette perception erronée du "bon" prix fonctionne aussi bien pour les articles peu chers que pour les produits au prix très important, comme une voiture ou un appartement.
Dans les allées des supermarchés, ou dans les boutiques, vous les avez peut-être vus : ces produits affichés à un prix juste en dessous d’un chiffre rond, par exemple à 39,99 euros au lieu de 40 euros. Et peut-être vous êtes-vous laissé tenter, estimant qu’il s’agissait d’une bonne affaire commerciale.
Si c’est le cas, vous n’est pas le ou la seule. C’est ce que montre une nouvelle étude en marketing menée par l'université d'État de l'Ohio (États-Unis) et publiée dans le Journal of Consumer Research. Selon ses auteurs, fixer ce prix juste au-dessus amène les consommateurs à penser qu’il est moins cher qu’il ne l’est vraiment en réalité. Mais, en contrepartie, il rend les consommateurs moins susceptibles de passer à une version plus chère du produit ou du service. "Passer de 19,99 dollars à 25 dollars peut sembler coûter plus cher que de passer de 20 dollars à 26 dollars, même si c'est en fait moins cher, explique Junha Kim, auteur principal de l'étude. Franchir le seuil de ce chiffre rond fait une grande différence pour les consommateurs."
Payer pour un plus grand café quand le prix est plus cher
Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont mené leur étude sur le terrain, en installant pendant deux jours un stand de café sur le campus de l’université, et en faisant régulièrement varier les prix. La moitié du temps, ils ont proposé un petit café à un prix "juste en dessous" de 95 cents ou une plus grande tasse pour 1,20 dollar. Pour choisir l'option de surclassement, les clients devaient franchir la limite du chiffre rond de 1 dollar.
Toutes les heures environ, le prix de la petite tasse passait à 1 dollar et celui de la grande tasse augmentait de 5 cents pour atteindre 1,25 dollar.
Les chercheurs se sont alors aperçus que 56 % des clients optaient pour le gobelet le plus grand lorsqu'ils n'avaient pas à franchir la limite du chiffre rond pour le surclassement (1 et 1,25 dollar). Mais seulement 29 % l'ont fait lorsque le gobelet plus petit était au prix juste inférieur de 95 cents et qu'ils devaient franchir le seuil d'un dollar pour le gobelet plus grand.
"En d'autres termes, nous avons vendu davantage de grands cafés lorsqu'ils étaient objectivement plus chers que précédemment (1,25 dollar contre 1,20 dollar), explique le Pr Selin Malkoc, co-autrice de l’étude. Il est étonnant de constater que l'augmentation des prix a réellement augmenté les ventes. Cela témoigne de la force de l'effet".
Une perception erronée du "bon" prix
Cet effet s’est aussi avéré efficace pour des achats plus importants, comme l’a démontré une expérience menée en laboratoire, au cours de laquelle des étudiants se sont dit plus susceptibles de choisir une voiture et un appartement plus chers lorsque le prix de base se situait juste au-dessus d'un chiffre rond plutôt que juste en dessous.
Pour le Pr Joseph Goodman, qui a aussi participé aux travaux, "une des raisons pour lesquelles cet effet fonctionne si bien est que les gens n'ont souvent pas une bonne idée de ce que devrait être le 'bon' prix d'un produit ou d'un service. Les consommateurs recherchent donc un certain contexte pour les aider à comprendre si ce qu'ils achètent est cher ou bon marché."
"Dans notre étude, les gens disaient souvent qu'un achat de mise à niveau semblait moins cher lorsque le prix de base était supérieur au chiffre rond, même s'il était objectivement plus cher", poursuit le chercheur.
Il existe cependant certaines conditions où cet effet de franchissement de seuil ne se produit pas. C’est le cas sur les petites différences de prix pratiquées sur des articles coûteux, ou bien chez les personnes qui connaissent bien les prix d'un produit ou d'un service - par exemple, celles qui réservent régulièrement des chambres d’hôtel. Selon les auteurs, c’est parce que ces personnes ne se fient pas à leurs perceptions.
"En tant que consommateurs, nous devons réaliser que nos perceptions sont souvent erronées. Nous devons nous fier aux chiffres réels et pas seulement à notre perception des chiffres", conclut le Pr Malkoc.