Aux États-Unis, plus de quinze millions d’adultes souffrent de maux de dos chroniques. En France, 64% des habitants ont souffert du dos ou de douleurs aux articulations au cours de ces douze derniers mois, selon un sondage Opinionway publié en 2020. Des problèmes gênants voire handicapants dans la vie de tous les jours. Selon l’Assurance maladie, le mal de dos est à l’origine de 2,3 millions de journées de travail perdues chaque année dans le secteur de l’aide et des soins à la personne. Une conséquence observable dans beaucoup d’autres secteurs d’activité. La raison principale de ces souffrances est souvent la lombalgie, c’est-à-dire une douleur intense au niveau des vertèbres lombaires, situées en bas du dos. En vieillissant, la fréquence des lombalgies peut augmenter en raison de la dégénérescence des disques qui soutiennent ces vertèbres. Un phénomène qui favorise ce problème de santé.
Un nouveau traitement préventif pour éviter la dégénérescence discale
Bien que les lombalgies touchent beaucoup de personnes, il existe peu de traitements. Lorsque la douleur est présente, les principaux sont des médicaments, des injections ou encore une intervention chirurgicale. Mais ceux-ci ne conviennent pas à tous les patients. Certains ne répondent pas aux critères de la chirurgie, d’autres ne sont pas soulagés par les injections. Enfin, dernier bémol des traitements actuels : L'utilisation prolongée de médicaments comporte un risque de dépendance. Pour ce qui est de la prise en charge préventive des lombalgies, les médecins recommandent généralement de pratiquer de l'activité physique régulière ou d’avoir un suivi de kinésithérapie. Mais des chercheurs viennent peut-être de trouver une nouvelle solution préventive : un cocktail de médicaments qui élimine les cellules vieillissantes et réduit la dégénérescence discale à la base des lombalgies. Leur résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature Communications.
Les sénolytiques remplacent les cellules abîmées
“Une fois que les disques intervertébraux commencent à vieillir, il se produit très peu de régénération, explique Makarand Risbud, l’un des auteurs. Mais nos résultats montrent qu'il est possible d'atténuer la dégénérescence discale liée au vieillissement". Pour cela, les chercheurs ont testé un traitement basé sur une classe de molécules appelés sénolytiques, déjà connues des scientifiques comme traitement contre le vieillissement des cellules. Comment les sénolytiques fonctionnent-ils ? Avec l'âge, chaque tissu du corps accumule des cellules sénescentes. Celles-ci sécrètent des enzymes destructrices et des protéines inflammatoires qui affectent les cellules saines voisines, qui finissent par se détériorer. L’action des médicaments sénolytiques est simple : ils éliminent les cellules sénescentes et celles endommagées qui sont naturellement remplacées par de nouvelles cellules saines.
Un effet protecteur et préventif chez les souris les plus jeunes
Lors de leurs expériences, les chercheurs ont testé ensemble deux médicaments sénolytiques : le dasatinib et la quercétine. Ils ont testé ce cocktail, par injection hebdomadaire, sur des souris jeunes, d'âge moyen et âgées. Résultats : les rongeurs les plus jeunes ont tiré un meilleur bénéfice de ce traitement que leurs aînées. En effet, les souris jeunes et d’âge moyen avaient moins de dégénérescence discale et de cellules sénescentes une fois arrivées à un âge avancé comparativement à celles qui avaient reçu un placebo. Autrement dit, ce cocktail de médicaments avait un effet protecteur et préventif contre les problèmes de dos.
“Une nouvelle approche préventive”
"La thérapie a été la plus efficace lorsque nous avons commencé à traiter les souris alors que ces cellules sénescentes commençaient tout juste à émerger, explique Makarand Risbud. Nos résultats montrent que s'ils sont administrés tôt, les médicaments sénolytiques peuvent ralentir la dégénérescence discale. Il s'agit d'une nouvelle approche préventive”. Néanmoins, pour être efficace, ce traitement hebdomadaire devait être administré jusqu'à ce que les souris atteignent un âge avancé, ce qui voudrait dire pendant de nombreuses années chez l’Homme. Mais, à ce stade de leurs travaux, les chercheurs n'ont pas observé d'effets secondaires néfastes à long terme. "Il est possible que les gens doivent prendre cela pendant longtemps pour que le traitement soit efficace, et nos données montrent que les médicaments ont été bien tolérés, au moins chez les souris", souligne Makarand Risbud. À terme, les chercheurs souhaitent tester ce remède sur l’homme et ainsi, peut-être, offrir une nouvelle voie thérapeutique aux patients.