Si le cancer du poumon est principalement le résultat d’années de consommation de tabac, il peut également survenir chez les non-fumeurs. Ces derniers représentent entre 10% et 25% des cas. Dans une nouvelle étude, publiée le 6 septembre dans la revue Nature Genetics, des chercheurs américains du National Cancer Institute (NCI) se sont penchés sur ces patients et ont décrit pour la première fois trois sous-types moléculaires de cancer du poumon chez des personnes n'ayant jamais fumé.
Des facteurs environnementaux impliqués
La manière dont le cancer du poumon apparaît chez les non-fumeurs demeure relativement peu documentée. “Ce que nous constatons, c'est qu'il existe différents sous-types de cancer du poumon chez les non-fumeurs qui ont des caractéristiques moléculaires et des processus évolutifs distincts, révèle l'épidémiologiste Maria Teresa Landi, qui a dirigé l’étude. À l'avenir, nous pourrons peut-être avoir différents traitements basés sur ces sous-types.” Le cancer du poumon chez les personnes n'ayant jamais fumé survient plus fréquemment chez les femmes et à un âge plus précoce.
Certains facteurs de risque environnementaux sont connus comme pouvant causer ce cancer, qui reste la principale cause de décès liés au cancer dans le monde. Il s’agit de l'exposition à la fumée secondaire du tabac, au radon, à la pollution de l'air et à l'amiante, ou le fait d'avoir eu des maladies pulmonaires antérieures mais ces cas ne représentent pas la majorité des cancers du poumon chez les non-fumeurs.
Des processus endogènes
Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé le séquençage du génome pour caractériser les modifications génomiques du tissu tumoral. Ils ont comparé les tissus normaux de 232 patients n'ayant jamais fumé qui ont reçu un diagnostic de cancer du poumon à petites cellules, le type le plus agressif de cancer du poumon. Les tumeurs comprenaient 189 adénocarcinomes, qui est le type de cancer le plus courant), 36 carcinoïdes et sept autres tumeurs de divers types. Les patients n'avaient pas encore suivi de traitement pour leur cancer.
Les chercheurs ont ensuite analysé les génomes tumoraux à la recherche de signatures mutationnelles. Celles-ci agissent comme les archives d'activités d'une tumeur qui ont conduit à l'accumulation de mutations, fournissant des indices sur ce qui a causé le développement du cancer. Ils ont découvert que la majorité des génomes tumoraux des non-fumeurs portent des signatures mutationnelles associées à des dommages causés par des processus endogènes, c'est-à-dire des processus naturels qui se produisent à l'intérieur du corps.
Des noms musicaux
Les analyses génomiques ont également révélé trois nouveaux sous-types de cancer du poumon chez les non-fumeurs, auxquels les chercheurs ont attribué des noms musicaux. Il y a “piano”, le sous-type prédominant qui a présenté le moins de mutations et semble être associé à l'activation de cellules progénitrices, qui sont impliquées dans la création de nouvelles cellules. Ce sous-type de tumeur se développe extrêmement lentement, sur de nombreuses années, et est difficile à traiter car il peut avoir de nombreuses mutations motrices différentes. Il y a ensuite le “mezzo-forte” qui présente des modifications chromosomiques spécifiques ainsi que des mutations dans le gène du récepteur du facteur de croissance EGFR, qui est couramment altéré dans le cancer du poumon. La croissance tumorale est ici plus rapide. Enfin, il y a le “forte” qui est caractérisé par un doublement du génome entier, que l’on retrouve souvent dans les cancers du poumon chez les fumeurs. Ce sous-type de tumeur se développe également rapidement.
Cette étude pose certaines bases pour comprendre les mécanismes en action dans le développement du cancer du poumon chez les non-fumeurs mais d’autres recherches sont nécessaires pour aller plus loin. “Nous avons besoin d'un échantillon plus grand avec des informations détaillées sur l'exposition pour vraiment étudier l'impact du tabagisme passif sur le développement du cancer du poumon chez les personnes n'ayant jamais fumé”, affirme Maria Teresa Landi, autrice principale de l’étude.