Troisième cancer le plus fréquent chez l’homme derrière ceux du poumon et de la prostate, le cancer colorectal est une tumeur qui se développe à partir des cellules qui tapissent la paroi interne du côlon et du rectum. Selon Santé Publique France, 43 336 nouveaux cas et 17 117 décès dus au cancer colorectal ont été dénombrés en France en 2018. Rare avant l’âge de 50 ans, le cancer colorectal peut être traité efficacement s’il est dépisté tôt.
D’où la nécessité de faciliter le dépistage précoce. Une nouvelle étude, menée par l’école de médecine de l’université de Washington (États-Unis) pourrait y aider. Publiée dans la revue Cell Host & Microbe, elle souligne qu’une présence accrue de certaines bactéries intestinales serait un indicateur d’une plus probabilité que les polypes du côlon deviennent cancéreux.
Une souche particulière de bactérie commune à l’origine de l’inflammation
"L'incidence croissante du cancer colorectal est un problème de santé majeur, mais on sait peu de choses sur la composition et le rôle du microbiote associé aux polypes précancéreux", indiquent les auteurs de l'étude.
Pour en savoir davantage sur l’environnement des polypes précancéreux, les chercheurs ont suivi 40 patients qui avaient subi des coloscopies de routine, ainsi que des biopsies du côlon. L’objectif était de prélever des bactéries près des polypes afin de les identifier. Tous les patients étaient âgés de 50 à 75 ans, et 60 % étaient des femmes.
Après analyse des échantillons, les scientifiques ont découvert qu'une bactérie commune, Bacteroides fragilis, non entérotoxinogène (non due à une intoxication intestinale), était élevée dans les biopsies de la muqueuse des patients présentant des polypes.
Ils ont aussi découvert des signatures microbiennes distinctes entre les patients atteints de polypes et ceux qui n'en ont pas, et ont établi une corrélation entre la quantité de B. fragilis dans les échantillons et l'inflammation des petits polypes.
Après un examen plus approfondi, les auteurs ont constaté que la B. fragilis des patients atteints de polypes différait dans sa capacité à induire une inflammation par rapport au B. fragilis des individus exempts de polypes.
"L'idée générale est que la plupart des gens regardent le cancer colorectal avancé et pensent au microbiome, mais il est difficile de déterminer si le microbiome a changé et quand il a changé, explique le Pr William DePaolo, qui a dirigé les travaux. Nous avons donc examiné la maladie plus tôt et nous nous sommes demandé quand le microbiome pouvait pousser un polype vers le cancer."
Des biopsies qui doivent cibler les polypes
Cette découverte va à rebours de l’idée selon laquelle ce sont des changements de composition du microbiote, avec la dominance d’une bactérie pathogène, qui serait à l’origine du cancer colorectal.
"Ce que nos données suggèrent, c'est que, pour survivre dans un environnement où des changements métaboliques et inflammatoires se produisent, un intestin normalement sain et les bactéries qui y sont liées peuvent s'adapter d'une manière telle qu'ils contribuent à l'inflammation au lieu de la supprimer", poursuit le Pr DePaolo.
Tous les polypes du côlon ne s’avèrent pas cancéreux : seuls 5 % le sont. Mais adapter les dépistages à cette découverte en effectuant des biopsies à proximité des polypes pourrait aider à rechercher cette souche particulière de B. fragilis. Et ce, avant même que les polypes précancéreux ne se développent.