- L'algorithme repose sur l'analyse d'un seul scanner cérébral par participant et sur son âge pour prédire quand apparaîtront les symptômes de la maladie d'Alzheimer.
- Il permet de calculer le "point de basculement" dans le formation de plaques bêta-amyloïdes dans le cerveau avant même l'apparition des premiers troubles cognitifs.
Sera-t-il bientôt possible de déterminer si un patient risque, dans les années à venir, de développer la maladie d’Alzheimer, alors même qu’il ne présente aucun symptôme ? C’est ce que laisse espérer une nouvelle étude publiée dans la revue Neurology.
Ses auteurs, chercheurs à la faculté de médecine de l’université Washington (Etats-Unis), ont mis au point un algorithme capable d’estimer le moment où les symptômes de cette maladie neurodégénérative liée à l’âge apparaîtront.
Un algorithme qui ne requiert qu’un seul scanner cérébral
Touchant aujourd’hui près de 900 000 personnes en France, la maladie d’Alzheimer est le plus souvent diagnostiquée après l’apparition des symptômes cliniques. Affectant les fonctions cérébrales, en particulier la mémoire, l’attention et le langage, elle est due à une accumulation anormale au niveau des neurones de la protéine bêta-amyloïde, ce qui entraîne de manière progressive et irrémédiable des lésions cérébrales. Ce phénomène peut durer jusqu’à une vingtaine d’années avant l’apparition des premiers signes de confusion et d’oubli.
Les scanners tomographie par émission de positons (TEP) de l'amyloïde sont déjà largement utilisés dans la recherche sur la maladie d'Alzheimer. La grande innovation de cet algorithme est de pouvoir, à partir de l'âge d'une personne et des données d'un seul examen TEP à l'amyloïde, d'estimer le degré d'avancement de la démence et le temps qu'il reste avant l'apparition des troubles cognitifs.
Pour le mettre au point, les chercheurs ont analysé les scanners TEP amyloïdes de 236 personnes participant à des études sur la maladie d'Alzheimer, âgées en moyenne de 67 ans au début de l’étude. Tous ont subi au moins deux scanners cérébraux espacés en moyenne de 4 ans et demi. Les chercheurs ont ensuite appliqué aux scanners une mesure appelée ratio standard de valeur d'absorption (SUVR), afin d'estimer la quantité d'amyloïde dans le cerveau de chaque participant à chaque moment.
Ils ont consulté plus de 1 300 évaluations cliniques sur 180 des participants. Effectuées tous les ans ou tous les trois ans, elles montrent que la plupart des patients avaient des facultés cognitives normales au début de la collecte des données. Ces évaluations répétées leur ont donc permis de déterminer avec précision le moment où les capacités cognitives de chaque participant ont commencé à se détériorer.
Un calcul fiable du "point de basculement"
En analysant l’ensemble des données recueillies, les chercheurs se sont alors aperçus que l'accumulation d'amyloïde a un point de basculement et que chaque individu atteint ce point de basculement à un âge différent. Après ce point de basculement cependant, l'accumulation d'amyloïde suit une trajectoire fiable.
"Vous pouvez atteindre le point de basculement à 50 ans ; cela peut arriver à 80 ans ; cela peut ne jamais arriver, détaille le Pr Suzanne Schindler, autrice principale de l’étude. Mais une fois que vous avez passé le point de basculement, vous allez accumuler des niveaux élevés d'amyloïde qui sont susceptibles de provoquer une démence. Si nous connaissons la quantité d'amyloïde que possède une personne à l'heure actuelle, nous pouvons calculer depuis combien de temps elle a atteint le point de basculement et estimer combien de temps il faudra encore avant qu'elle ne soit susceptible de développer des symptômes."
Les chercheurs ont aussi constaté que les personnes qui ont atteint le point de basculement à un jeune âge ont mis plus de temps à développer des symptômes cognitifs que celles qui l'ont atteint plus tard dans leur vie. Les participants qui ont atteint le point de basculement à 50 ans ont généralement mis près de 20 ans à développer des symptômes ; ceux qui l'ont atteint à 80 ans ont mis moins de 10 ans.
Cela s’explique par la présence, à un âge avancé, de la présence de lésions cérébrales dues à d’autres causes qu’Alzheimer, avant le Pr Schindler. "Leurs réserves cognitives sont donc plus faibles, et il faut moins d'amyloïde pour provoquer une déficience."
Quant aux personnes atteignant le point de basculement tôt, elles sont généralement porteuses de la variante génétique APOE4, qui est le facteur de risque le plus important pour la démence d'Alzheimer.