En 2020, il y a eu 45 121 accidents corporels de la circulation en France métropolitaine, selon l’observatoire national interministériel de la sécurité routière. En tout, 2 541 personnes en sont décédées. Pour mieux prévenir ces accidents, une équipe de chercheurs a tenté de comprendre les profils psychologiques des personnes qui en sont responsables. Ceux-ci ont analysé des données provenant d’Estonie, récoltées depuis 2001 et obtenues grâce à la police et à des assurances. Leur but était de distinguer les différents facteurs - psychologiques et génétiques - pouvant expliquer le comportement routier en Estonie. Ils ont présenté leur étude lors d’un congrès, l’European College of Neuropsychopharmacology Congress (ECNP), qui se tient à Lisbonne du 2 au 5 octobre.
Les comportements agressifs associés aux excès de vitesse
Durant leurs travaux, les chercheurs ont analysé les données de 817 conducteurs. 49,2% étaient des hommes, 50,8% des femmes. Tous devaient remplir des questionnaires pour mesurer certains facteurs - comme l'impulsivité ou l'agressivité -, passer des tests sanguins ainsi que des analyses génétiques. Une fois ces informations récoltées, les scientifiques les ont comparées à celles de la police et des assurances, c’est-à-dire les types accidents et les condamnations pour mauvaise conduite. Résultat : 137 conducteurs condamnés pour non-respect des limitations de vitesse avaient tendance à avoir des temps de réaction plus rapides. Ils avaient aussi un comportement plus agressif - physique et verbal - et consommaient beaucoup de malbouffe et de boissons énergisantes.
Accélérer en conduisant est lié au besoin d’excitation
“Nous avons pu identifier de nombreuses associations entre la prise de risque au quotidien et la conduite à risque, estime Tõnis Tokko, le principal chercheur de l’étude. Nous avons par exemple constaté que les personnes qui boivent des boissons énergisantes au moins une fois par semaine étaient deux fois plus susceptibles d'accélérer (quand elles sont au volant) que ceux qui n’en consomment pas aussi souvent”. Pour les chercheurs, les boissons énergisantes ne sont évidemment pas la cause directe expliquant les infractions au code de la route. Mais ils estiment que le fait d’en consommer serait lié à un besoin d'excitation. Au volant, ce dernier se traduirait par une envie d’accélérer. “Nos tests psychologiques nous ont montré que les personnes ayant des capacités de prise de décision rapides étaient 11% plus susceptibles d'accélérer, assure Tõnis Tokko. Celles qui ont un besoin d'excitation plus élevé ont 13% de chances supplémentaires d’accélérer. (...) Nous avons constaté qu'il existe des associations significatives entre les comportements routiers à risque et plusieurs autres comportements, tels que la pratique intense d’un sport, la consommation d'alcool, de malbouffe et de boissons énergisantes”.
Le rôle de la sérotonine
Les chercheurs ont ensuite examiné les traits génétiques des participants. Ainsi, ils en ont conclu qu’une conduite plus à risque pourrait être due à une variation génétique du métabolisme de la sérotonine. Il s’agit d’un neurotransmetteur impliqué dans la dépression et qui est généralement ciblé par les traitements antidépresseurs. Ils estiment donc qu’il pourrait y avoir une base psychologique commune entre les comportements civils et ceux au volant. “Mais il s'agit d'une découverte précoce qui doit encore être confirmée”, nuance Tõnis Tokko. Lors de la présentation de l’étude au congrès de l’ECNP, la communauté scientifique a salué cette étude qui pourrait peut-être permettre, à terme, de prévenir certains accidents grâce à un suivi des personnes à risque d’en commettre.