Chez les patients touchés par les troubles psychiatriques comme la dépression, la schizophrénie ou encore la bipolarité, les déficiences cognitives sont très répandues. Pouvant aller d’une diminution de l’attention et de la mémoire à une perturbation de la cognition sociale et du langage, ces troubles sont souvent mal traités par les médicaments actuels et ont un impact sur leur qualité de vie.
Une nouvelle étude, publiée dans Translational Psychiatry, s’intéresse aux effets d’un traitement déjà sur le marché, le prucalopride. Commercialisé en France sous le nom de Resolor, il est indiqué dans le traitement symptomatique de la constipation chronique chez les patients adultes pour lesquels les laxatifs n'ont pas les effets escomptés. Apparenté aux neuroleptiques, il renforcerait les capacités cognitives.
Une amélioration des fonctions cognitives
Des études antérieures sur des animaux ont montré que les médicaments qui ciblent l'un des récepteurs de la sérotonine (le récepteur 5-HT4) sont prometteurs pour améliorer la fonction cognitive. Cependant, il a été difficile de transposer ces résultats sur les animaux à l'humain en raison des inquiétudes liées aux effets secondaires.
Selon le groupe de chercheurs britanniques, le prucalopride cible le récepteur 5-HT4 et peut donc améliorer la cognition. Pour arriver à cette conclusion, ils ont testé le médicament auprès d’un groupe de 44 volontaires en bonne santé âgés de 18 à 36 ans. 23 ont reçu du prucalopride et 21 ont reçu un placebo. Après 6 jours, tous les volontaires ont subi un examen IRMf du cerveau après avoir visionné une série d'images d'animaux et de paysages. Ils les ont revus, ainsi que des images similaires, pendant le scanner. Après le scanner, les volontaires ont effectué un test de mémoire : il leur a été demandé de distinguer les images qu'ils avaient vues avant et pendant le scanner d'un ensemble d'images totalement nouvelles.
"Les participants qui ont pris du prucalopride pendant 6 jours ont obtenu de bien meilleurs résultats que ceux qui ont reçu un placebo au test de mémoire", a expliqué le Dr Angharad de Cates de l'Université d'Oxford lors de la présentation de ces travaux à la conférence du Collège européen de neuropsychopharmacologie à Lisbonne. Le groupe prucalopride a ainsi identifié 81 % des images vues précédemment contre 76 % dans le groupe placebo. "Les tests statistiques indiquent qu'il s'agissait d'un effet assez important - une amélioration cognitive aussi évidente avec le médicament était une surprise pour nous", estime le chercheur.
Une activité accrue dans les zones du cerveau liées à la cognition
L’étude a par ailleurs montré que les volontaires sous prucalopride étaient à la fois nettement meilleurs au test de mémoire après l'analyse, mais aussi que les scans IRMf indiquaient une activité accrue dans les zones du cerveau liées à la cognition. L'activité accrue se situait dans des zones associées à la mémoire, comme l'hippocampe (au centre du cerveau) et le gyrus angulaire droit (vers l'arrière du cerveau).
"Même lorsque la mauvaise humeur associée à la dépression est bien traitée par les antidépresseurs classiques, de nombreux patients continuent à avoir des problèmes de mémoire, a expliqué le Dr Susannah Murphy de l'Université d'Oxford, la principale autrice. Notre étude fournit les premières preuves passionnantes chez l'humain d'une nouvelle approche qui pourrait être un moyen utile de traiter ces symptômes cognitifs résiduels."
D’autres essais cliniques sur le prucalopride et d'autres agonistes 5HT4 sont désormais prévus pour voir si ces résultats chez des volontaires en bonne santé peuvent être reproduits sur des patients atteints de troubles psychiatriques.