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Dépenses de santé

Médicaments : la vente à l'unité, une vieille idée qui a du mal à passer

Par Cécile Coumau

Changer le conditionnement des médicaments pour faire des économies, c'est l'expérimentation que lance Marisol Touraine. Cette piste a souvent été évoquée, mais n'a jamais convaincu.

GILE MICHEL/SIPA

Passer de la théorie à la pratique, c’est ce que propose Marisol Touraine. La ministre de la Santé a annoncé sa volonté d’expérimenter la dispensation de médicaments à l’unité et non plus par boîte, en commençant par certains antibiotiques, dans certaines régions. Or, depuis des années, cette piste est évoquée dans de nombreux rapports officiels.


Un médicament sur deux n'est pas consommé

Dans un rapport de l’Igas 2005, la dispensation du médicament en boîte est montrée du doigt. « Contrairement à d’autres pays, le France a choisi, pour des raisons sanitaires, que la délivrance du médicament ne soit pas limitée au nombre de comprimés prescrits et la taille des conditionnements est co-déterminée par l’administration et les industriels du médicament, expliquent les auteurs. Et, compte tenu des mesures de tiers payant et de dispense d’avance des frais, le consommateur ignore souvent le montant de sa dépense. Ces divers phénomènes mis bout à bout, on peut estimer que près d’un médicament remboursé sur deux n’est pas pris. » Un gaspillage qui évidemment coût cher à la collectivité puisque certains de ces médicaments sont remboursés par l’assurance maladie.


De son côté, l’Afssaps (ANSM aujourd’hui) estimait en 2007 qu’ « il serait souhaitable, dans la mesure du possible, d’évoluer vers un conditionnement unitaire pour toute spécialité pharmaceutique. » Pour l’Agence du médicament, cette mesure permettrait «  de limiter les erreurs médicamenteuses en contribuant à maintenir l’efficacité du traitement et de prévenir un risque toxique évitable. Les conditionnements unitaires présentent aussi de l’intérêt en termes d’économie de santé. » Mais, les arguments de l’Afssaps ne valaient que pour les établissements de santé. Or, Marisol Touraine veut que le conditionnement unitaire soit expérimenté en ville.


Délivrance à l'unité : un avantage théorique
Les parlementaires se sont aussi très souvent penchés sur la question de la dispensation des médicaments. Tous les ministres de la santé, ou presque, ont eu droit à leur question orale de la part d’un sénateur ou d’un député sur cette problématique. En 2011, Philippe Paul, sénateur UMP du Finistère, demandait à secrétaire d'État chargée de la santé – en l’occurrence Nora Berra – « si le modèle américain consistant à ne délivrer que la stricte quantité prescrite a déjà fait l'objet d'une réflexion pour une adaptation à notre pays » et « de l'informer des mesures prises par le Gouvernement pour tendre vers un système de conditionnement permettant de réaliser des économies sensibles sur nos dépenses de santé, d'assurer la protection de la population et, tout simplement, d'éviter le gaspillage. » Et manifestement Nora Berra n’était pas convaincue puisqu’elle répondait que « la vente de médicaments à l'unité par les pharmaciens d'officine, de façon à faire correspondre exactement les quantités délivrées, pourrait présenter l'avantage théorique de réduire le gaspillage.

Toutefois, cet intérêt peut être pondéré car la vente à l'unité imposerait de garantir la sécurisation de l'identification de chaque unité et les conditions de conservation au domicile des patients. Le conditionnement unitaire des spécialités pharmaceutiques pourrait permettre de répondre à ces exigences de sécurité sanitaire mais supposerait de mener une réflexion approfondie et concertée sur les possibilités de sa généralisation qui, par ailleurs, ne s'avère pas ou peu intéressante dans certaines situations, notamment pour les traitements chroniques. » Et elle concluait que de toute façon, « la mise en œuvre éventuelle de la vente de médicaments à l'unité représenterait un coût qu'il conviendrait de défalquer des économies potentiellement réalisées du fait d'un moindre gaspillage de médicaments. » Une économie en trompe l’œil si l’on en croit la secrétaire d’Etat de l’époque.


Et les exigences de sécurité sanitaire ?

En 2003, même son de cloche du ministre de la santé de l’époque, Jean-François Mattéi. En réponse à un parlementaire socialiste, il rappelait que « la réglementation interdit, pour des raisons de sécurité sanitaire, aux pharmaciens d'officine de " déconditionner " les présentations. Il faudrait donc, pour ajuster la taille des présentations commercialisées à chaque type de traitement prescrit, que le laboratoire qui produit le médicament fournisse une gamme très large de conditionnements. Or, compte tenu des coûts qui en résulteraient, notamment si le nombre d'unités écoulées pour certains de ces conditionnements est faible, l'entreprise risque de vouloir répercuter ce surcoût dans le prix de vente de l'ensemble des présentations. Ainsi, il n'est pas sûr que la multiplication des tailles de conditionnement soit, dans tous les cas, une source d'économie pour l'assurance maladie. » Il estimait donc que « l'ouverture de la possibilité pour le pharmacien de vendre au patient des spécialités pharmaceutiques à l'unité ne semple pas opportune. »


Il semble donc, que depuis de nombreuses années, les avis divergent sur la question. L’expérimentation lancée par Marisol Touraine permettra peut-être de mettre tout le monde d’accord, dans un sens ou dans l’autre.