Dans les locaux de l’Institut Curie, à Paris, une petite révolution est en train de se mettre en place dans la prise en charge des cancers du sein. Grâce à la numérisation des tissus, l’intelligence artificielle y est, depuis un an, développée pour épauler les médecins pathologistes dans leur diagnostic.
"Un pathologiste augmenté"
"L’intérêt de l’intelligence artificielle, c’est que, contrairement aux médecins, elle ne fatigue pas. Elle fait donc moins d’erreurs. Ces robots peuvent aussi travailler la nuit, ce qui fait gagner un temps considérable", explique le Dr Anne Vincent-Salomon, cheffe du Pôle de médecine diagnostique et théranostique. "Mais le but n’est pas de remplacer les médecins, qui restent entièrement responsables de leur diagnostic. L’intelligence artificielle est un appui, destiné à créer, en quelque sorte, un « pathologiste augmenté »", poursuit la spécialiste.
Concrètement, les tissus cancéreux prélevés sur les patientes pendant les opérations et les biopsies arrivent sous plastique rue d’Ulm, dans les locaux de l’Institut Curie (âmes sensibles, s’abstenir). Là, une petite équipe travaille à leur numérisation, qui se fait en plusieurs étapes : mise dans le formol des tissus humains, enrobage de paraffine, coupe des blocs solides obtenus en fines lames, retrait de la paraffine et enfin coloration du produit fini. "Le but est de préserver au maximum les prélèvements, pour qu’ils restent le plus semblables possibles à leur état d’origine dans le corps", explique Anne Vincent-Salomon.
Les lames terminées.
18 000 coupes tissulaires différentes
Cette capacité à numériser les tissus cancéreux a très certainement attiré l’attention de la société israélienne Ibex Medical Analytics. L’année dernière, après avoir finalisé un algorithme d'aide au diagnostic du cancer de la prostate, l’entreprise spécialisée dans l'intelligence artificielle est venue demander à l’Institut Curie d’en valider un autre, cette fois centré sur le cancer du sein. Un an plus tard, c’est chose faite.
Aujourd’hui, l’algorithme de l’Institut Curie a été entraîné à reconnaître les formes avec plus de 18 000 coupes tissulaires différentes. Si tout va bien, les médecins pathologistes l’utiliseront une fois que tout le service sera digitalisé, dans le premier semestre 2022. "Nous verrons alors si les pathologistes en retirent un vrai bénéfice. Et si c’est le cas, les patientes seront mieux prises en charge", conclut Anne Vincent-Salomon.
Les cancers du sein à un stade précoce d'évolution au moment du diagnostic présentent un taux de survie de plus de 87%. Chaque année, près de 59 000 femmes apprennent qu’elles ont développé la maladie et plus de 12 100 en décèdent.