Mieux gérer les lits pour désengorger les urgences ! C’est le mot d’ordre lancé aujourd’hui par Marisol Touraine, la ministre de la Santé. Pour limiter le temps d’attente des malades, éviter qu’ils restent dans des lits brancards dans les couloirs… 162 établissements, sur les 600 qui ont un service d’urgence, se lancent cette année dans un travail de gestion des lits entre les urgences et les autres services avec l’aide pendant trois ans de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé (ANAP). Les autres sont aussi sommés d’entreprendre une nouvelle démarche de gestion des lits auprès des agences régionales de santé.
« Il est important de comprendre que ce dispositif de gestion des lits ne peut en aucun cas se limiter au strict aval des urgences mais correspond à une mesure d’organisation générale de l’établissement, a souligné le Pr Pierre Carli, président du Conseil national des urgences hospitalières (CNUH), qui a remis aujourd’hui un rapport à la ministre de la Santé. Contrairement à une idée réçue, l’activité des urgences est très reproductible d’une année à l’autre, notamment en terme d’hospitalisation. On peut donc l’anticiper et optimiser les fonctionnement du bloc opératoire, de l’ensemble du plateau technique et tout particulièrement celui de l’imagerie. » Afin d’impliquer tout la communauté hospitalière, il recommande que la gestion des lits soit inscrite dans le projet d’établissement, avec le suivi d’indicateurs précis comme le temps d’attente entre la décision d’admission et l’admission effective du malade dans le service concerné, ou le nombre de patients en attente de lit.
Ecouter Marisol Touraine, ministre de la Santé. « J’ai lancé un programme de gestion des lits d’aval, ce qui suppose un soutien de tout l’hôpital, pas seulement dans les urgences. »
Le rapport Carli contient d’autres mesures que les établissements vont devoir mettre en œuvre, comme la création d’une commission de l’admission et des soins non programmés. Cette commission serait chargée d’édicter des règles claires pour pouvoir déprogrammer des hospitalisations de malades non urgentes au cas où les urgences manquent de lit. Elle organiserait les fermetures de lits, notamment l’été, ou déclencher le plan « Hôpital en tension » si la saturation de l’hôpital est complète.
« Le plan hôpital en tension permet d’imposer aux services cliniques des mesures coercitives sur l’admission des patients, a expliqué le Pr Pierre Carli. Ce plan constitue une arme dissuasive. En effet, si la gestion de l’aval n’obtient pas de consensus, il permet une déprogrammation autoritaire dont l’ensemble de la communaut médicale comprend le danger ». Chaque établissement devrait être doté d’un plan « hôpital en tension ».
Après le bâton, la carotte : les services qui se mobilisent pour mettre à disposition des lits pour les urgences pourraient être intéressés financièrement. Le rapport évoque aussi la mise en place de « salons de sortie » comme il en existe au CHU de Metz. Les patients qui doivent rentrer chez eux n’attendent plus leurs familles dans leur chambre avant de sortir, mais dans un salon. Les services peuvent alors récupérer la chambre plus tôt. Pour un hôpital de 500 à 600 lits, cela permettrait de libérer 7 à 8 lits chaque matin en moyenne…
La mise en place de ces recommandations prendra du temps. En attendant, quelques mesures d’urgence, ponctuelles, seront prises pour éviter que des services craquent à nouveau cet hiver. « Les agences régionales de santé ont identifié plusieurs établissements nécessitant des moyens supplémentaires en personnel, lits ou organisation des locaux avant l'hiver, a indiqué Marisol Touraine. En concertation avec les ARS, nous répondrons à leur demande. »
Ecouter Marisol Touraine : « Selon les cas, nous allons débloquer soit des moyens humains, ouvrir des lits complémentaires, réaménager les locaux. »
Au-delà des outils contenus dans le rapport, les urgentistes attendent aussi des moyens pour mettre en place cette nouvelle organisation. C’est ce qu’ont rappelé les syndicats d’urgentistes comme l’AMUF. « Depuis des années, les hôpitaux ferment des lits, il est nécessaire d’inverser cette tendance pour mettre en application ces mesures, a exposé le Dr Patrick Pelloux, président de l'AMUF. C'est notamment pour cette raison que les syndicats maintiennent la pression sur la ministre de la santé. Dans 15 jours, un bon nombre d'entre eux ont prévu de faire une grève du zèle : ils soigneront les malades aux urgences mais ne s'occuperont plus de leur trouver des lits dans les services. Les directions d'hôpitaux devraient alors se débrouiller…