Bien dormir est un pilier essentiel pour une bonne santé. Le manque de sommeil modifie notre comportement et impacte nos relations sociales avant d’avoir des effets plus profonds pouvant amener à des troubles de l’organisme. Et, mauvaise nouvelle, des chercheurs ont récemment montré que le café ne parvient pas à combler le déficit de sommeil. Dans une nouvelle recherche, parue le 26 octobre dans la revue Scientific Reports, des scientifiques américains du MIT et de l'université de São Paulo ont rapporté qu’une mauvaise nuit influence la manière dont nous marchons et augmente les risques de déséquilibres et de chutes.
Marcher, une action cognitive
Les chercheurs ont découvert, après avoir mené une série d’expérimentations sur des étudiants, que moins ces derniers dormaient, moins ils avaient de contrôle lorsqu'ils marchaient pendant un test sur tapis roulant. “Scientifiquement, on ne savait pas si les activités presque automatiques comme la marche étaient influencées par le manque de sommeil, assure Hermano Krebs, chercheur principal au département de génie mécanique du MIT. Nous constatons également que la compensation du sommeil est possible. Par exemple, pour ceux qui sont chroniquement privés de sommeil, comme les travailleurs postés, les cliniciens et certains militaires, s'ils intègrent une compensation régulière du sommeil, ils pourraient avoir un meilleur contrôle sur leur démarche.”
La marche a longtemps été considérée comme un processus entièrement automatique, impliquant très peu de contrôle cognitif conscient. Cette action était pensée comme étant principalement contrôlée par l'activité réflexive de la colonne vertébrale, plutôt que par des processus plus cognitifs impliquant le cerveau. Mais plusieurs études scientifiques ont récemment révélé que l'acte de marcher est légèrement plus complexe qu’imaginé.
La démarche s’ajuste inconsciemment
Depuis une dizaine d’années, Hermano Krebs et son équipe de chercheurs ont étudié de manière approfondie le contrôle de la marche et ses mécanismes. Son objectif est de développer des stratégies et une robotique d'assistance pour les patients qui ont subi des accidents vasculaires cérébraux et d'autres conditions limitant les mouvements. Dans des expériences précédentes, il a montré, par exemple, que des sujets sains peuvent ajuster leur démarche pour correspondre à des changements subtils de stimuli visuels, sans s'en rendre compte. Ces résultats suggèrent que la marche implique une influence subtile et consciente, en plus de processus plus automatiques.
Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont souhaité examiner l’influence de la privation de sommeil sur le contrôle de la marche. Pour cela, ils ont recruté des étudiants de l'université de São Paulo. Les élèves ont chacun reçu une montre pour suivre leur activité sur 14 jours afin de suivre leur sommeil. En moyenne, chaque étudiant dormait environ six heures par jour, bien que certains étudiants aient compensé, rattrapant leur sommeil au cours des deux week-ends au cours de la période de 14 jours. La veille du 14e jour, un groupe d'étudiants est resté éveillé toute la nuit dans le laboratoire du sommeil de l'équipe. Le lendemain matin, tous les étudiants se sont rendus au laboratoire pour effectuer un test de marche sur un tapis roulant.
Compenser le manque de sommeil est possible
Les différentes expériences réalisées sur le tapis de marche ont révélé une plus grande désynchronisation chez ceux qui ont moins dormi la veille. En comparant les étudiants en fonction de la durée de sommeil dans les 14 jours, les chercheurs ont découvert que ceux qui ont dormi un peu plus le week-end ont obtenu de meilleurs résultats, même lorsqu'ils ont effectué le test à la fin de la semaine. “C'est paradoxal, estime Arturo Forner-Cordero, qui a participé à l’étude. Même au plus fort du moment où la plupart des gens étaient fatigués, ce groupe de compensation a fait mieux, ce à quoi nous ne nous attendions pas.”
“Les résultats montrent que la marche n'est pas un processus automatique et qu'elle peut être affectée par la privation de sommeil, a conclu Hermano Krebs. Ils encouragent également la mise en place de stratégies pour atténuer les effets de la privation de sommeil. Idéalement, tout le monde devrait dormir huit heures par nuit. Mais si nous ne pouvons pas, nous devrions compenser autant et aussi régulièrement que possible.”