- En 2019, plus de 2,7 millions d'étudiants étaient inscrits dans une structure d'enseignement supérieur en France.
- Depuis 1980, ce nombre a plus que doublé.
Les épidémies sont connues pour exacerber les problèmes de santé mentale. Ainsi, des travaux antérieurs réalisés lors de l’épidémie de SRAS au début des années 2000 ont montré que l’anxiété, la dépression et le stress post-traumatique étaient plus fréquents pendant et plusieurs années après la fin de l’épidémie.
Par ailleurs, la littérature scientifique prouve que les étudiants constituent une population particulièrement vulnérable aux problèmes de santé mentale, même hors contexte épidémique. En France par exemple, le suicide est la deuxième cause de décès chez les 15-25 ans. Face à ces différents constats, des chercheurs de l’Inserm et de l’université de Bordeaux ont étudié de plus près la santé mentale des étudiants durant la pandémie de Covid-19 et lors des différents confinements.
Des étudiants nettement plus touchés par les problèmes de santé mentale
Pour ce faire, les scientifiques ont recruté via les réseaux sociaux 3783 participants entre mars 2020 et janvier 2021, une période couvrant le premier et deuxième confinement, ainsi que la phase intermédiaire de relâchement des restrictions à l’été 2020. Cette étude, désignée sous le nom de cohorte CONFINS, a permis de comparer deux groupes lors des analyses : les étudiants d’un côté et les adultes non-étudiants de l’autre. Au-delà de cette différence de statut et d’âge, les deux groupes se ressemblaient beaucoup, avec des pourcentages similaires de femmes, de personnes ayant eu des antécédents de maladie mentale ou encore d’individus travaillant (ou étudiant) dans le domaine de la santé.
Chaque participant a été invité à remplir en ligne des échelles de référence pour l’évaluation de l’anxiété et de la dépression (le GAD-7, une échelle qui évalue les symptômes de l’anxiété et le PHQ-9, qui chiffre la sévérité de la dépression) ainsi qu’à répondre à des questions sur la fréquence des pensées suicidaires.
Les analyses montrent que sur toute la période considérée, les étudiants sont plus touchés que les non étudiants par les problèmes de santé mentale. Ils sont ainsi 36,6 % à déclarer des symptômes dépressifs (contre 20,1 % des non étudiants) et 27,5 % des symptômes d’anxiété (contre 16,9 %). De plus, 12,7 % des étudiants ont rapporté des pensées suicidaires (contre 7,9 % des non étudiants).
Des inégalités importantes et qui se creusent
Les scientifiques se sont aussi penchés plus précisément sur chaque étape de la période considérée (premier confinement, déconfinement et deuxième confinement). Alors que la prévalence des troubles mentaux reste globalement stable dans le groupe des non-étudiants tout au long de la période, de grandes variations sont observées pour le groupe étudiant.
Ainsi, on remarque que les fréquences des troubles de santé mentale sont beaucoup plus élevées en période de confinement que pendant le déconfinement dans ce groupe, et particulièrement lors du deuxième confinement. En effet, plus de la moitié des étudiants rapportaient des symptômes dépressifs lors du deuxième confinement (contre un quart des non étudiants), alors que cette proportion était de 36 % lors du premier confinement.
"La comparaison entre étudiants et non étudiants a rarement été étudiée jusqu’ici. Nous démontrons dans notre étude qu’il existe d’importantes inégalités de santé mentale entre ces deux groupes, et que l’écart s’est encore plus creusé avec le deuxième confinement. La vulnérabilité des étudiants n’a probablement pas une cause unique, mais l’isolement et la solitude ont certainement beaucoup pesé. Les conditions matérielles et la difficulté de suivre les études sont également des facteurs importants", explique Mélissa Macalli, autrice de l’étude.
"Nos résultats, publiés dans la revue Scientific Reports, mettent en lumière la nécessité d’une grande vigilance en ce qui concerne la santé mentale des étudiants en contexte épidémique ainsi que l’importance de mettre en place rapidement des interventions spécifiques pour les aider à surmonter les effets délétères de cette crise sanitaire", conclut l’Inserm.