Classé parmi les métaux lourds toxiques pour l’organisme et pour l’environnement, le cadmium a longtemps été utilisé dans la composition de nombreux alliages avec d’autres métaux, pour la fabrication d’écrans de télévision ou encore celle de piles.
Si son utilisation, notamment dans les engrais, est aujourd’hui encadrée et limitée dans l’Union européenne, le cadmium reste un composant que l’on retrouve régulièrement dans les sols et les eaux pollués, et peut contaminer certains aliments, comme les fruits de mer, le poisson ou les végétaux.
De nombreuses études ont documenté les effets délétères du cadmium sur la santé. Une exposition prolongée peut provoquer une atteinte rénale, une fragilité osseuse, des effets sur l'appareil respiratoire, des troubles de la reproduction ainsi qu'un risque accru de cancer. Le cadmium est aussi suspecté d'entraîner des effets sur le foie, le sang et le système immunitaire.
Dans une étude publiée dans la revue Mucosal Immunology, des chercheurs ont montré chez la souris qu’une ingestion de cadmium entraîne une surproduction d’une enzyme qui dégrade la vitamine D, ce qui produit une carence. En termes d'effets cliniques, les souris sensibilisées à un allergène spécifique qui ont consommé du cadmium ont produit des niveaux élevés d'anticorps contre l'allergène ainsi que des cellules immunitaires qui ont augmenté leurs symptômes respiratoires.
Une réaction allergique plus forte
De précédentes études ont déjà montré que, chez les enfants, une carence en vitamine D entraîne une plus grande susceptibilité à l'asthme et à d'autres symptômes d'allergie. Or, cette exposition au cadmium peut favoriser les carences en vitamine D chez les tout-petits et les enfants.
"Le problème est que, comme le cadmium ne se dégrade pas facilement, si vous êtes exposé de façon chronique à de faibles doses, il s'accumule avec le temps, explique Prosper Boyaka, professeur à l'université d'État de l'Ohio et auteur principal de l'étude. Ce n'est pas non plus quelque chose auquel on peut facilement éviter d'être exposé car il peut rester dans l'air, le sol et l'eau."
Pour évaluer le risque allergique d’une ingestion de cadmium, les chercheurs ont fait consommer pendant 28 jours une eau contenant ce métal lourd à des souris modifiées génétiquement pour simuler la prédisposition génétique humaine à l'allergie aux œufs.
Ces souris ont ensuite été exposées à une protéine d'œuf pour tester leur réaction allergique.
Les résultats montrent que les rongeurs ayant ingéré du cadmium puis exposées à l’allergène ont eu une réaction allergique plus forte - sous la forme d'actions inflammatoires internes et de symptômes d'allergie - que les souris témoins.
Une altération du microbiote intestinal
Selon les chercheurs, cette réaction allergique s’est produite car le cadmium modifie la population de microbes dans l'intestin, ce qui peut entraîner des réactions allergiques.
Des recherches plus poussées leur ont permis de constater un lien entre la présence de cadmium dans l'intestin et la production de molécules inflammatoires, ainsi qu'avec la stimulation des deux enzymes qui dégradent la vitamine D.
"C'est la principale conclusion : après une exposition à des doses subtoxiques de métaux lourds, les polluants restent dans les tissus mous, y compris dans l'intestin. Et ce qu'ils font, c'est rendre les cellules plus réactives. Dans l'intestin, en particulier, les bactéries font que certaines cellules produisent davantage d'enzymes qui dégradent la vitamine D", détaille le Pr Boyaka.
Selon les chercheurs, il serait toutefois possible de bloquer cette action du cadmium grâce à une supplémentation en vitamine D. Mais celle-ci "doit intervenir avant que l'exposition au cadmium n'ait provoqué une réaction allergique accrue". "Nous proposons également de cibler ces enzymes comme moyen de prévenir l'augmentation de la réaction allergique."