Au-delà de l’unique facteur physique, les émotions peuvent jouer un rôle dans la progression de certaines maladies. On parle alors de troubles psychosomatiques, où le stress ou d’autres émotions fortes peuvent aggraver des symptômes. Dans une nouvelle recherche, des scientifiques ont exploré la possibilité selon laquelle le cerveau puisse lui-même déclencher les symptômes. Dans des travaux présentés le 8 novembre dans la revue Cell, des chercheurs israéliens suggèrent que des neurones dans le cerveau sont capables d’induire une sensation de maladie, voire carrément une maladie réelle.
Une inflammation qui réapparaît sans stimulus extérieur
Les chercheurs se sont intéressés plus particulièrement au cortex insulaire, aussi appelé insula, qui est une zone du cerveau responsable de l'interoception, c'est-à-dire le sens de l'état physiologique du corps. Cela inclut la faim, la soif, la douleur et la fréquence cardiaque. Ils ont alors estimé que si l’organisme est capable de stocker des souvenirs de réponses immunitaires passées, cette région du cerveau doit être impliquée.
Pour tester leur hypothèse, les chercheurs ont mené des expériences sur des souris chez qui ils ont induit une inflammation du côlon. À l’aide de techniques de manipulation génétique, ils sont parvenus à “capturer” des groupes de neurones dans le cortex insulaire qui ont montré une activité accrue au cours de l'inflammation. Une fois les souris rétablis, ils ont déclenché artificiellement ces neurones. Sans aucun stimulus extérieur autre que ce déclenchement de cellules dans le cerveau, l'inflammation a réapparu, exactement dans la même zone où elle se trouvait auparavant. Les chercheurs ont obtenu des résultats similaires chez d’autres souris chez lesquelles ils avaient induit une autre maladie inflammatoire, en l’occurrence une péritonite, dans la cavité abdominale.
Un simple souvenir déclenche l’inflammation
Le simple souvenir de l’inflammation est susceptible de la réactiver. “Il s’agit d’un travail exceptionnel, qui établit que le concept classique de mémoire immunologique peut être représenté dans les neurones”, a déclaré Kevin Tracey, neurochirurgien qui n’a pas participé à l’étude.
Les chercheurs ont ensuite mené des expériences pour tester l’effet inverse : est-ce que la suppression des neurones chez des souris présentant une inflammation active peut entraîner une réduction immédiate de l'inflammation ? Ils ont constaté que cela est le cas. Ces résultats ont conforté les auteurs de l’étude dans leur hypothèse bien qu'il s'agisse d'une étude de base chez la souris et qu'il existe de multiples défis pour traduire le concept chez l'Homme. Ces découvertes ouvrent une nouvelle voie thérapeutique pour traiter les affections inflammatoires chroniques telles que la maladie de Crohn, le psoriasis et d'autres affections auto-immunes, en atténuant leur trace mnésique dans le cerveau
Tourner cette aptitude à son avantage
Si cette aptitude à pouvoir enclencher une inflammation peut sembler négatif, cela peut également être utilisé de manière positive. “Il y a des avantages évolutifs à une telle connexion, poursuit la neuro-immunologue Asya Rolls, qui a dirigé le groupe de recherche. Le corps doit réagir le plus rapidement possible à l’infection avant que les bactéries ou virus attaquants puissent se multiplier. […] Il y a un avantage à se préparer au combat lorsque l’on est sur le point de faire face à une infection déjà rencontrée. Un temps de réponse plus court permettrait au corps de vaincre l'infection plus rapidement et avec moins d'effort.”