Une nouvelle recherche sociologique menée par Mélanie Perez a analysé le vécu d’homosexuels français positifs aux VIH. Et le bilan est malheureusement assez négatif.
Le tournant des années 2000
La fin des années 2000 est marquée par un tournant important dans la gestion du VIH : les personnes séropositives sous traitement antirétroviral efficace dont la charge virale est biologiquement indétectable ne transmettent plus le virus. Ces avancées sont à l’origine du questionnement de départ de la recherche : "que reste-t-il du stigmate social associé au VIH ? Pour des personnes récemment infectées, l’atteinte, ou la perspective de l’atteinte d’une charge virale indétectable permet-elle la disparition des expériences subjectives de honte et/ou de stigmatisation décrites jusqu’alors dans les travaux de sociologie, et plus largement dans les données de santé publique ?", s’interrogent les scientifiques.
Pour répondre à leurs questions, ils ont mené une série d’entretiens avec des homosexuels ayant été contaminés durant les deux ans suivant la pose du diagnostic. Les scientifiques ont aussi analysé les différents espaces qu’ils fréquentaient lors de cette période particulière (associations liées au VIH-sida et/ou LGBT, espaces de sociabilités, sphères privées amicale, familiale et amoureuse ).
Choc et honte
Premier constat : l’annonce de la séropositivité est toujours un terrible choc pour les malades, notamment à cause de leur méconnaissance du VIH. Fouad évoque ainsi ses angoisses juste après le diagnostic : « J’étais choqué. Sur le chemin, je pleurais, je me suis dit : « qu’est-ce qui va se passer ? ». Moi avant, je pensais : "oh, il a le sida ! Il va mourir !" », raconte ce trentenaire.
Deuxième enseignement : l’indétectabilité biologique du virus du VIH dans les corps ne produit pas la disparition des expériences subjectives de honte et/ou de stigmatisation, et réactualise, réactive, ou fait émerger un questionnement moral sur l’homosexualité. "J’ai toujours bien vécu mon homosexualité. On peut dire que je me suis toujours bien épanoui, je vis comme un français lambda. Mais depuis que j’ai ça, je me dis, ben ouais… voilà. C’est vrai que les homosexuels font n’importe quoi, et j’ai honte", raconte ainsi Romain, 31 ans, qui n’ose pas en parler à la famille de son compagnon.
Manque de ressources
Le stigmate du VIH semble d’autant plus lourd à porter pour les homosexuels que les Français estiment qu’on les a largement avertis des risques d’infection et soumis à l’injonction d’un devoir de précaution. Pour les hommes les moins dotés en ressources (économiques, culturelles, sociales), "l’expérience de la séropositivité a tendance à accroître l’isolement et à générer une réactivation de dispositions homophobes", concluent les chercheurs.
173 000 Français vivent avec le VIH, et 36,3 millions de personnes sont décédées des suites de maladies liées au sida depuis le début de l'épidémie en 1981. Ce virus affecte les défenses immunitaires, c'est-à-dire qu'il empêche le corps de lutter contre des maladies.