- Telles qu'elles sont aujourd'hui conçues, les lignes directrices à destination des médecins pour dépister chez les nourrissons l'allergie aux protéines de lait de vaches conduisent à un surdiagnostic.
- Un certain nombre de symptômes imputés à l'APLV, comme les coliques, les remontées de lait ou les selles molles, sont courantes chez les nourrissons et n'indiquent pas systématiquement une allergie.
Première allergie alimentaire à apparaître chez l’enfant, l’allergie aux protéines du lait de vache (APLV) débute souvent dans les premiers mois de vie, alors que le lait maternel ou le lait maternisé est la principale alimentation. Caractérisées par des troubles digestifs, respiratoires et cutanés, elle toucherait selon les chiffres officiels 2 à 4 % des nourrissons.
Pourtant, selon une nouvelle étude menée par l’université de Bristol (Royaume-Uni), ces chiffres sont probablement surévalués. Dans la revue Clinical and Experimental Allergy, ils estiment en effet que les redommandations internationales à l’attention des médecins pourraient conduire à un surdiagnostic de l’APLV. L'étude révèle ainsi que les trois quarts des nourrissons présentent, à un moment ou à un autre de leur première année de vie, au moins deux symptômes qui, selon les lignes directrices, pourraient être causés par une APLV. Or, cette affection ne touche qu’un enfant sur 100.
Des symptômes pas toujours causés par une allergie au protéines de lait de vache
Les symptômes de l’APLV sont très variés et apparaissent souvent sous forme de manifestations aiguës. On peut par exemple citer les vomissements, les coliques, les selles molles, la constipation, le prurit (démangeaisons), l’érythème et l’urticaire.
Pour mesurer l’incidence de l’APLV chez les nourrissons, les chercheurs ont utilisé les données de l'étude Enquiring About Tolerance menée auprès de 1 303 nourrissons âgés de trois à douze mois, dans laquelle les parents étaient invités à noter tous les mois les symptômes ressentis par leur enfant. Ils ont compté le nombre de nourrissons présentant des symptômes d'allergie au lait de vache chaque mois, tels que définis dans la directive internationale sur l'allergie au lait en soins primaires (iMAP).
Les résultats montrent qu’un parent sur quatre signalait chaque moins au moins deux symptômes possibles "légers à modérés". Le nombre de symptômes était plus important lorsque les enfants étaient âgés de 3 mois et qu’ils étaient nourris au sein, et donc qu’ils ne consommaient pas directement de lait de vache.
En revanche, à l'âge de six mois, il n'y avait aucune différence dans le nombre d'enfants présentant deux symptômes ou plus entre ceux qui consommaient du lait de vache et ceux qui n'en consommaient pas. Ces résultats suggèreraient donc que la majorité des symptômes énumérés dans les lignes directrices sur l'allergie au lait de vache sont courants, normaux et non causés par l'allergie au lait de vache.
Un risque important de surdiagnostic
Pour le Dr Rosie Vincent, qui a dirigé les travaux de recherche, a déclaré, "les recommandations, conçues pour aider le non-spécialiste à diagnostiquer l'allergie au lait de vache chez les nourrissons, peuvent involontairement médicaliser les symptômes normaux des nourrissons et promouvoir le surdiagnostic de l'allergie au lait de vache".
"Nos résultats s'inscrivent dans un contexte d'augmentation des taux de prescription de préparations spécialisées pour les enfants allergiques au lait de vache, ce qui est complètement disproportionné par rapport à la fréquence de cette maladie, ajoute Michael Perkin, de l’université de Londres, qui a aussi participé à l’étude. Les parents de jeunes enfants se rendent souvent dans les cliniques, inquiets de la cause médicale des symptômes de leur enfant, comme les coliques, les remontées de lait ou les selles molles. Or, nos recherches confirment que ces symptômes sont extrêmement courants. Chez un nourrisson par ailleurs en bonne santé, une cause sous-jacente est peu probable. Attribuer à tort ces symptômes à l'allergie au lait de vache est non seulement inutile, mais peut aussi causer du tort en décourageant l'allaitement."
Pour les auteurs, ces recommandations doivent être étayées par des données solides pour "éviter les préjudices du surdiagnostic, qui peuvent être plus importants que les dommages des diagnostics tardifs qu'elles cherchent à prévenir".