La Covid-19 nuit à notre santé mentale et la consommation d’anti-dépresseurs en témoigne. Il y a eu plus d’1,9 millions de délivrances d’antidépresseurs supplémentaires entre mars 2020 et avril 2021, par rapport à ce qui était attendu, selon des données du groupement d’intérêt scientifique EPI-PHARE. Mais ces médicaments doivent-ils être prescrits à tous les patients souffrant de troubles psychologiques ? Non, d’après une étude parue dans le British Medical Journal. Dans ces travaux, des scientifiques remettent en question leur usage, compte tenu des difficultés liées au sevrage. Ils estiment qu’il faut prescrire moins d'antidépresseurs et pour des périodes plus courtes.
Des inconvénients parfois supérieurs aux bénéfices
Les auteurs de l’étude, Mark Horowitz, de l’University College de Londres, et Michael Wilcock, du Royal Cornwall Hospitals NHS Trust, sont partis d’un constat : entre 2019 et 2020, 7,8 millions de personnes ont reçu au moins une ordonnance d’antidépresseurs. Cela équivaut à un antidépresseur prescrit à un adulte sur six, avec des taux de prescription 50 % plus élevés chez les femmes. "Bien que les antidépresseurs puissent avoir un intérêt chez les patients souffrant de dépression sévère, les inconvénients peuvent l'emporter sur les avantages chez ceux souffrant de dépression légère à modérée ou chez ceux dont les symptômes ne sont pas encore considérés comme une dépression", expliquent les chercheurs. Chez certaines personnes, ces médicaments peuvent aussi provoquer divers effets secondaires : un patient sur cinq souffre de somnolence diurne, d’une bouche sèche, de transpiration abondante ou d’une prise de poids, et un patient sur quatre rapporte des difficultés sexuelles. Ils peuvent être plus sévères pour les personnes prenant des antidépresseurs depuis plus de trois ans, elles peuvent ressentir une sorte de "brouillard" mental.
Une efficacité insuffisamment prouvée
Les scientifiques britanniques expliquent que la plupart des preuves de l'efficacité des antidépresseurs chez l'adulte proviennent d'essais contrôlés contre placebo d'une durée de 6 à 12 semaines seulement. "Les résultats n'atteignent pas le seuil d'une différence cliniquement importante", soulignent-ils, ce qui veut dire que selon eux, entre le placebo et le médicament, les effets ne sont pas significativement différents d’un point de vue clinique. D’après eux, les résultats chez les adolescents et les enfants sont encore moins convaincants, alors que les ordonnances concernant des jeunes de 12 à 17 ans ont plus que doublé entre 2005 et 2017.
Un sevrage souvent difficile
Les effets de sevrage des antidépresseurs sont plus fréquents, plus durables et plus graves qu'on ne le pensait, affirment les auteurs. Ils déplorent un manque d’informations sur cette période d’arrêt. Si la réduction progressive du dosage peut aider, les scientifiques rappellent que les effets secondaires de longue durée sont difficilement prévisibles. "Les réductions progressives de la dose et les très petites doses finales requises nécessiteront l'utilisation de nouvelles formulations de médicaments autres que les formes de comprimés couramment disponibles", ajoutent-ils. Face à ces différentes incertitudes, les auteurs appellent la communauté médicale à la prudence quant à la prescription d’antidépresseurs.