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Société

Impact du chômage sur la santé : "une stigmatisation forte qui se traduit par un taux de suicide élevé"

Par Geneviève Andrianaly

D’après une récente étude, l’état de santé des chômeurs se dégraderait à mesure que cette période d’inactivité se prolonge. Luc Biecq, auteur du livre Guide d'autodéfense du licencié, de la déflagration à la reconstruction, explique que la santé physique et mentale des chômeurs devrait être davantage prise en compte par un accompagnement spécifique pour prévenir les troubles psychiques, les addictions et les suicides.

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38 % de personnes ont évoqué une dégradation de leur état de santé. Près de 60 % d’entre elles ont estimé qu’elle était due au chômage.
Le chômage peut aussi bien avoir des conséquences sur la santé physique que mentale. Cette période d’inactivité peut entraîner une perte de confiance en soi et un isolement, ce qui peut susciter une dépression, une anxiété, des addictions, voire même un suicide.

Le chômage nuit à la santé. C’est la conclusion tirée d'une enquête réalisée par quatre associations. Pourtant, "malgré les nombreuses données sur le sujet, la souffrance des personnes privées n’est pas assez abordée. Pour preuve : peu de candidats aux élections présidentielles de 2022 en parlent", déplore Luc Biecq, auteur du livre Guide d'autodéfense du licencié, de la déflagration à la reconstruction.

Pour mener à bien leur étude, publiée le 14 décembre, les associations Solidarités nouvelles face au chômage (SNC), Territoires zéro chômeur de longue durée (TZC), Force Femmes et La Cravate solidaire ont recueilli les témoignages de 977 personnes privées d’emploi. Elles ont constaté que 38 % des chômeurs évoquaient une dégradation de leur état de santé depuis qu’ils ne travaillaient plus.

Le chômage met en péril la santé physique

Selon les résultats, 37 % d’entre eux ont déclaré que les maladies dont ils souffraient s’étaient sont aggravées. Près de 25 % des personnes interrogées ont indiqué avoir développé une ou plusieurs affections depuis le début du chômage. Autre chiffre inquiétant : 43 % des personnes reconnues handicapées ont dit que leur état de santé s’était dégradée. À cause d’un manque de revenus, 32 % des chômeurs ont dû renoncer à se faire soigner et à consulter des professionnels de santé.

"En plus d’être fragilisées socialement et financièrement, les personnes qui subissent le chômage voient leur état de santé se dégrader à mesure que le chômage se prolonge, ce qui accentue leurs difficultés globales et constitue un facteur défavorable à leur retour à l’emploi", peut-on lire dans le sondage.

Une perte de confiance en soi et un isolement 

Cette période d’inactivité a également des effets "destructeurs" sur la santé mentale des demandeurs d’emploi. "Elisabeth Grebot, maître de conférence en psychologie clinique, compare le fait de perdre son emploi au syndrome de stress post-traumatique. Un licenciement se traduit par une blessure psychique qui laisse des traces. Lorsque l’on est privé d’emploi, on perd nos repères, nos habitudes et le lien social", développe Luc Biecq.

Il ajoute que le chômage entraîne une perte de confiance en soi car les personnes privées d’emploi ont honte d’être dans cette situation. "Le discours politique ne facilite pas les choses. Il accuse les chômeurs d’être des fainéants alors que ces derniers ont besoin que l’on mette en avant leurs qualités et leurs compétences", s’indigne le journaliste. Être privé d’emploi renforce également l’isolement. D’après l’étude menée par les quatre associations, 69 % des sondés ont affirmé que le chômage avait provoqué une dégradation de l’image qu’elles avaient d’elles-mêmes et 55 % ont déclaré se sentir particulièrement isolées depuis qu’ils ne travaillaient plus.

Des troubles psychiques, des addictions et des suicides

La perte de confiance en soi et un isolement peuvent favoriser une dépression, une anxiété et un stress. "La pandémie n’a fait qu’accentuer ce sentiment de mal-être", précise Luc Biecq. L’enquête a dévoilé que 41,91 % des demandeurs d’emploi interrogés ont déclaré se sentir déprimés depuis le début de cette période d’inactivité alors qu’ils étaient 18,51 % à être dans cet état avant d’être au chômage.

"Ces situations peuvent par ailleurs favoriser l’émergence d’habitudes addictives. 20,6 % des personnes affirment que, depuis qu’elles sont au chômage, elles développent des habitudes nocives pour leur santé, telles que la prise d’alcool ou de tabac", ont signalé les associations. Luc Biecq explique que les personnes privées d’emploi sont aussi plus susceptibles de développer une dépendance aux médicaments.

"Le psychiatre Michel Debout a démontré le lien entre le chômage et le nombre de suicide. Il a expliqué qu’une stigmatisation forte des chômeurs se traduisait par un taux de suicide élevé", souligne l’auteur du livre Guide d'autodéfense du licencié, de la déflagration à la reconstruction. 

Les propositions pour lutter contre ces effets du chômage sur la santé

Dans le sondage réalisé par les quatre associations, les chercheurs d’emploi réclament un accès gratuit et régulier à un service d’aide psychologique au moment de la rupture du contrat de travail, un an après le début du chômage puis au bout de deux ans de chômage pour ceux qui, à cette échéance, n'auraient pas retrouvé d'emploi. 

"En général, l’entourage des personnes privées d’emploi ne parvient pas à les aider car ils ne comprennent pas ce que les chômeurs vivent réellement. Problème : il existe peu de structures qui peuvent accompagner ces derniers. L’idéal serait que la Sécurité sociale délivre un bon ou un chèque aux demandeurs d’emploi pour qu’ils puissent consulter gratuitement un psychologue", suggère Luc Biecq. Il propose également la mise en place d’ateliers qui permettent aux chômeurs de se rencontrer et de retrouver une estime de soi.