"Nounours", "papa", "maman", "dodo", "doudou", "toutou"… Tous les parents utilisent ces mots simplifiés pour communiquer avec leur nouveau-né et avec les jeunes enfants. Cette tendance à utiliser des mots courts et faciles à mémoriser est universelle dans toutes les cultures et a une fonction : celle de stimuler l’attachement entre parents et enfants.
Une forme innée de communication précoce
De nombreuses études ont en effet démontré que le "parler bébé" était une forme innée de communication précoce, à laquelle les tout-petits sont particulièrement sensibles. Ce langage simplifié, appelé langage maternel, retient plus efficacement leur attention. Il constitue également un élément important du lien affectif et favorise les expériences d'apprentissage entre l'enfant et ses parents.
Il semblerait toutefois que les nourrissons atteints de troubles du spectre de l’autisme (TSA) ne répondent pas systématiquement au langage maternel. Or, peu d’études ont été menées à ce sujet et pour connaître les conséquences à long terme de cette désaffection.
Dans une nouvelle étude publiée dans Nature Human Behavior, des chercheurs de l'école de médecine de l'Université de Californie à San Diego expliquent avoir identifié les régions du cerveau responsables de la réaction de l'enfant au langage maternel. Leurs travaux, qui combinent l'imagerie cérébrale de pointe, le suivi oculaire et les tests cliniques, pourraient permettre de mieux comprendre comment le cerveau se développe chez les enfants autistes en ce qui concerne les informations objectives sur la préférence sociale et l'attention sociale.
"Pour la première fois, nous voyons quel est l'impact possible sur le cerveau des enfants autistes qui ne prêtent pas attention aux informations sociales", explique Eric Courchesne, professeur de neurosciences à la faculté de médecine de l'université de San Diego et auteur principal de l’étude.
Peu d'intérêt des enfants autistes pour le "parler bébé"
Les chercheurs ont émis l'hypothèse que les nourrissons et les tout-petits atteints de TSA présentent des troubles du développement des mécanismes neuronaux innés qui répondent au langage maternel. Pour étudier la question, ils ont effectué une série de tests portant sur 200 ensembles de données provenant de 71 enfants en bas âge et 41 ensembles de données provenant de 14 adultes. Ils ont d’abord utilisé l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) sur des enfants endormis pour mesurer l'activité cérébrale en réponse au langage maternel et à d'autres formes de discours social affectif.
Ils ont ensuite procédé à des évaluations cliniques du développement social et linguistique.
Enfin, ils ont utilisé une technologie de suivi oculaire pour mesurer les réponses à des femmes parlant ce langage maternel par rapport à des sons et images informatiques non vocaux.
Les chercheurs ont constaté que les nourrissons et les jeunes enfants atteints de TSA présentaient non seulement les réponses neurales les plus faibles au langage maternel, mais aussi que ceux répondant peu à ce "parler bébé" étaient aussi ceux qui présentaient les symptômes sociaux les plus graves, les résultats langagiers les plus médiocres et la plus grande déficience de préférence comportementale et d'attention envers le langage maternel.
À l'inverse, les nourrissons et les jeunes enfants au développement typique présentaient les réponses neuronales les plus fortes et une affinité avec le parler bébé.
Une moindre activation du cortex temporal supérieur
Les chercheurs ont cherché à savoir quelles étaient les zones du cerveau impliquées dans le traitement du parler bébé. Ils ont constaté que le cortex temporal supérieur réagissait plus faiblement au langage maternel et émotionnel chez les enfants atteints de TSA, qui présentaient également les capacités sociales les plus faibles et l'attention la plus faible au regard maternel. Et, au contraire, les enfants au développement typique présentaient une forte réponse neuronale temporale supérieure au discours maternel et émotionnel.
"Notre conclusion est que le manque d'attention comportementale au discours maternel dans les TSA implique une altération du développement des systèmes neuronaux corticaux temporaux innés qui devraient normalement répondre automatiquement au discours émotionnel des parents", souligne Karen Pierce, co-autrice de l'étude.
Un petit nombre de tout-petits atteints de TSA ont aussi montré une forte activation cérébrale et un intérêt pour le discours maternel, ce qui est encourageant, notent la chercheuse. "D'abord, parce que cela suggère que ces tout-petits autistes particuliers sont susceptibles d'avoir de bons résultats, un sous-groupe important récemment découvert. Et deuxièmement, cela suggère une nouvelle voie de traitement."