- Deux études, menées en 2017 et en 2020 aux Etats-Unis, montrent que suivre la politique provoque de la fatigue, des sentiments de colère, une perte de sang-froid et des comportements compulsifs chez 40 % d'Américains. Elle est aussi responsable de pensées suicidaires chez 5 % d'Américains.
- Les personnes vraiment impliquées en politique et en connaissant bien les rouages semblent toutefois moins touchées que les autres.
À moins de 100 jours de l’élection présidentielle, êtes-vous vraiment certain de vouloir d'assister aux invectives entre les candidats et candidates, vous informer sur les réseaux sociaux et suivre les sondages ?
Si la réponse est oui, attendez-vous à ce que cela se ressente sur votre santé ! C’est en tout cas la conclusion à laquelle est parvenue Kevin Smith, un politologue de l'université du Nebraska-Lincoln, et qui a fait de l’étude de l’impact du climat politique sur la santé des citoyens sont objet de recherche.
En 2017, quelques semaines après l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, il avait publié une première étude dans laquelle il analysait les effets du climat politique sur la santé physique, sociale, mentale et émotionnelle des Américains. Cinq ans plus tard, il en vient à la même conclusion : toutes les joutes politiques sont néfastes pour notre santé, et même le changement de parti au pouvoir n'a rien arrangé.
Dans un nouvel article publié dans la revue PLOS ONE, il explique avoir répété la même enquête de 32 questions à deux reprises en 2020 - deux semaines avant l'élection, et deux semaines après. Les résultats montrent qu'une grande partie des adultes américains accusent la politique de leur causer du stress, une perte de sommeil, des relations fracturées et plus encore.
Stress, colère et troubles du sommeil
Plus en détail, les résultats de 2020 montrent qu'environ 40 % des Américains considèrent la politique comme une source importante de stress. Par ailleurs, entre un cinquième et un tiers des adultes (soit 50 à 85 millions de personnes) ont reproché à la politique de provoquer de la fatigue, des sentiments de colère, une perte de sang-froid et de déclencher des comportements compulsifs. Un adulte sur quatre a enfin déclaré avoir sérieusement envisagé de déménager à cause de la politique.
"Cette deuxième série d'enquêtes démontre de manière assez concluante que la première enquête ne sortait pas du lot - que ce que nous avons trouvé dans cette première enquête est vraiment révélateur de ce que vivent de nombreux Américains, souligne Kevin Smith. Il est également désagréable de penser que pendant ce laps de temps, rien n'a changé. Une grande partie des adultes américains perçoit véritablement que la politique fait payer un lourd tribut à leur santé sociale, psychologique et même physique."
Un danger pour la démocratie
Plus inquiétant encore, 5 % des Américains interrogés accusent la politique d'avoir des pensées suicidaires. Un chiffre stable par rapport à 2017.
Les résultats montrent que les adultes les plus susceptibles d’être affectés négativement par la politique étaient jeunes, plus souvent de tendance démocrate, intéressés par la politique et engagés politiquement.
Pour le Pr Smith, ces résultats sont très inquiétants pour la démocratie, car ils témoignent d’un possible désengagement des citoyens pour ce qui est des décisions politiques. "Si les gens considèrent que la politique est si conflictuelle, et potentiellement une menace pour leur propre bien-être, ils diront 'au diable, je ne veux pas m'impliquer'. Or, les démocraties dépendent de la participation. Nous avons besoin de citoyens engagés sur le plan civique."
Alors, comment atténuer ces effets ? Pour le Pr Smith, les personnes vraiment impliquées en politique ont davantage de ressources pour lutter contre ses effets néfastes pour la santé. "Les personnes qui étaient mieux informées sur le plan politique étaient moins susceptibles de signaler ces résultats négatifs", explique le chercheur, qui poursuit : "J'aimerais vraiment étudier la question suivante : si l'on prenait quelqu'un qui s'intéresse à la politique, mais qui ne s'y connaît pas particulièrement, et qu'on lui donnait des informations sur le système politique, cela réduirait-il les coûts négatifs de la politique ? Cela pourrait être un résultat positif de l'éducation civique qui n'a jamais été envisagé auparavant."