Et si l'adhésion à des théories qualifiées de "complotistes" était une forme de psychose née du blocage d'un récepteur synaptique ? C'est ce que suggère une étude menée par une étude de neuroscientifiques et de psychiatres de l'hôpital Sainte-Anne et de l'Ecole Normale Supérieure publiée dans la revue Nature Communications. Celle-ci fait le lien entre le blocage d'un récepteur régulant les contacts entre les neurones et une tendance à croire à l'improbable. Et le blocage de ce récepteur NMDA est connu pour donner lieu à des symptômes psychotiques.
Face à un environnement imprévisible et incertain, certaines personnes deviennent plus promptes à croire à l'improbable. C'est ce mécanisme qui fait le succès des théories complotistes qui a été exacerbé notamment par la pandémie de Covid-19.
Incertitude élevée et prise de décision prématurée
Pour comprendre ce phénomène, les chercheurs ont demandé à un groupe de volontaires sains de prendre des décisions sur la base d'informations incertaines. Certains se sont vus administrer une très faible dose de kétamine (une molécule qui vient bloquer le récepteur NMDA), d'autres un produit placebo. En comparant les effets sur le fonctionnement cérébral du groupe kétamine à celui du groupe placebo, les scientifiques ont constaté que le l'administration de kétamine produisait un sentiment d'incertitude élevé mais aussi des prises de décision prématurées. "Un blocage du récepteur NMDA déstabilise la prise de décision en favorisant les informations qui confirment nos opinions au détriment des informations qui les invalident", souligne Valentin Wyart, directeur de recherche à l'INSERM. Et c'est bien sur ce phénomène que prospèrent les théories complotistes.
"Ces résultats suggèrent que les prises de décisions prématurées observées ne sont pas la conséquence d'une confiance exagérée, mais qu'elles résultent d'une incertitude élevée qui provoque l'émergence d'idées improbables qu'aucune information extérieure ne peut invalider", précise-t-il. Et il rappelle que ce type de réaction à l'incertitude s'observe souvent pendant des stades précoces de psychose lorsqu'un sentiment d'étrangeté précède l'émergence de croyances délirantes.